Dada Africa, sources et influences extra-occidentales 
Musée de l’Orangerie à Paris, jusqu’au 19 février 2018

Quand Dada bouleversa le champ artistique

Exaltation d’un art en pleine révolution, Dada Africa, sources et influences extra-occidentales présente l’analyse d’un courant qui s’inspira de toutes les mouvances qu’elles soient africaines, amérindiennes ou asiatiques.
Plus qu’un constat, il s’agit d’une évidence. Courant 1916, alors que la guerre fait rage, Dada brise les chaînes d’un conformisme artistique devenu banal à son goût. Situé à Zurich, le Cabaret Voltaire est devenu le sanctuaire d’un monde que l’on reformule autour d’évènements où l’esprit Dada agit, dans toutes les langues, comme un défaiseur de sens… S’attaquant au rationalisme et aux valeurs du XIXème siècle, il libère l’art de la soumission à un sens préétabli, mais aussi les matériaux, la langue et toutes les formes d’expression plastique et verbale. Une prise de position qui intime l’ordre, désormais, d’en avoir une lecture nouvelle. Une réévaluation d’autres systèmes de pensée et de création s’opère alors et conduit de nombreux artistes d’avant-garde à se pencher et à s’approprier des types de production artistique radicalement autre. Les Dadaïstes se voient donc confrontés à l’art et à la culture de pays extra-européens. Les mises en scène des « Soirées nègres » du fameux cabaret font ainsi appel à tous les sens, musique, poésie et danse, s’attaquant à toutes les notions artistiques, montrant ainsi la radicalité de ce mouvement, précurseur d’autres épreuves qui feront date.
Bien avant l’heure, Gauguin ne fut-il pas conquis par l’appel de ces terres polynésiennes qui imprimèrent ses toiles… En vagabond et voyageur intrépide, il y trouvera même quelques similitudes avec sa Bretagne natale. Cherchant ainsi un exotisme primitif d’Outre-mer, tout comme elle qualifiée de « sauvage et d’étrange », la Polynésie lui donnera la liberté de créer, à son gré, un nouvel univers. Véritable obsession qui hantera son oeuvre, sa vie durant. Dada séduisit donc nombre de créateurs tels Picasso, Matisse, Vlaminck, Braque, Jean Arp et son épouse Sophie Taeuber, Man Ray, Hans Richter, Hannah Höch et tant d’autres qui voient – dans sa démarche – la liberté absolue de l’Art. Perçue comme une structure ouverte sur tous les possibles, entraînée frénétiquement vers d’autres inspirations plus troublantes, les unes que les autres.
Dans une phase ultérieure, on constatera que l’exploration du rêve et de l’inconscient popularisée par les écrits de l’anthropologue Frazer, Lévy-Bruhl ou Bergson oriente les protagonistes du Groupe vers la recherche de structures primordiales chez l’homme. Le mythe de l’artiste-magicien évoqué dans 
Totem et tabou, par Freud et publié en 1913, forge également chez les Surréalistes, une idée renouvelée de la création où les oeuvres dites « primitives » se voient réévaluées. Ouvrant son manifeste sur le Surréalisme et la peinture en 1928, Breton affirmera alors que « L’oeil existe à l’état sauvage« … Faisant sans doute écho à l’appel de Tristan Tzara qui s’écriait « Du noir, puisons la lumière ! »
Citant Gauguin ces « 
cultures barbares ou archaïques » prennent donc, dans cette exposition, parfaitement place au côté d’oeuvres emblématiques où règne le refus de toute compromission. Nous sommes en dialogue, sorte de jeu permanent et d’interface où se confronte un art sorti de ses limites conventionnelles pour respirer, au grand jour, le goût de l’aventure !

Chantal GUIONNET-FUSCO

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