Créateur d’une discipline originale-le « standup classique »,  Alexandre Prévert est un jeune pianiste français qui dans ses spectacles joue du piano, récite des poèmes, fait de la comédie et commente l’actualité avec panache. À la manière d’un Luchini, il n’hésite pas faire dialoguer les mondes. Lorsque Mozart, Apollinaire, Montaigne, Booba Mélenchon et bien d’autres se rencontrent, le cocktail ne peut être que savoureux. 

Son dernier spectacle « Où sont passés vos rêves » a été joué en 5 langues dans plus de 20 pays avec une date au Bataclan. Du 02 au 20 mars, il joue les prolongations  au théâtre Le Lucernaire à Paris. 

Sur scène vous jouez du piano, vous faites de la comédie et vous lisez et récitez des textes . Finalement comment définissez-vous cette combinaison de disciplines ?

AP : Initialement ce qui m’intéressait c’était vraiment l’aspect technique du spectacle. J’avais un vrai intérêt d’invention et d’inventeur, puisque les questions que je me posais étaient surtout « Qu’est-ce que c’est que cette discipline qui se mélange ? » « Qu’est-ce que c’est qu’ un pianiste comme moi qui arrive sur scène, veut lire et dire des textes, et veut raconter des histoires ? » Depuis que cette phase de questionnement est terminée et que j’ai pu jouer mon spectacle en France notamment au festival d’Avignon et au Bataclan entre autres, et à l’étranger, je me pose moins cette question et je me concentre davantage sur le fond. Maintenant « Où sont passés vos rêves » a pris le dessus sur ce que j’ai appelé le stand-up classique, et je me concentre plus sur les histoires que je veux raconter et sur le partage avec le public.

Quant à moi je me définis d’abord comme un pianiste, parce que c’est ma formation, c’est ce que je fais. Je me définis également comme un rêveur, parce que c’est également ce que je fais sur scène. À partir de tout cela je fais ma sauce ,avec mes codes de stand-up classique que je garde toujours en héritage.

Justement le stand-up classique est une discipline artistique que vous avez inventée ; mais en quoi cela consiste-t-il réellement ?

AP : De manière très simple, pour moi le stand-up c’est ce procédé artistique qui consiste à parler des sujets de société d’aujourd’hui, en interagissant avec le public, en faisant rire, en mettant en relief parfois certaines incohérences ou absurdités. Le Classique quant à lui, c’est l’Histoire, l’héritage, la tradition, et quelque part aussi la culture. Le stand-up classique est donc une réunion des deux.

Aujourd’hui lorsqu’on regarde l’offre culturelle, on se rend compte qu’il y’a d’un côté des gens qui parlent d’avant, et de l’autre des gens qui parlent d’aujourd’hui. Mais dès qu’il y’en a qui opèrent des réunions, c’est tout de suite assez explosif. Je pense notamment à Alexandre Astier ou Fabrice Luchini. Moi c’est cette démarche qui m’a intéressé. Je voulais briser la frontière entre le monde des gens qui réfléchissent et celui des gens qui commentent.

Effectivement dans vos spectacles on sent qu’il y’a une volonté d’établir des ponts entre différents mondes et de combiner les références culturelles. Comment faites-vous pour naviguer entre littérature, musique, actualité etc.. Et surtout comment êtes-vous parvenus à accrocher toutes ces cordes à votre arc ?

AP : La façon dont toutes ces disciplines culturelles sont arrivées dans le spectacle a été relative à mon désir d’exprimer des choses différentes à différents moments. Je faisais du piano au conservatoire de Paris, mais pour autant je ne voulais pas forcément n’être que musicien professionnel tout le reste de ma vie. Lorsque je me suis demandé ce qui me plaisait, je me suis rendu compte que c’était à la fois la beauté des musiques et les histoires qu’elles racontaient. Par exemple si on prend « le Clair de lune » de Debussy qui est un des plus beaux morceaux de la musique classique française, on découvre qu’ il a été composé d’après le poème « clair de Lune » de Verlaine. Mais au delà de la beauté du morceau et du poème, lorsqu’on creuse, on se rend compte que le morceau s’articule également de manière très intéressante avec la vie de Debussy. Moi c’est ce tableau complet qui m’intéresse, et c’est toute cette histoire que je veux raconter au public. Donc quand j’arrive sur scène, je joue le morceau, mais je vais aussi lire le poème et raconter la vie de Debussy.

Pour le dernier spectacle «Où sont passés vos rêves? » comment avez-vous choisi les morceaux et les textes?

AP: Avant de monter sur scène j’essaie toujours de m’assurer que je vais y aller pour faire les choses que j’ai le plus envie de faire, c’est à dire raconter les histoires que j’ai le plus envie de raconter, évoquer les thématiques qui me tiennent à cœur, prendre du plaisir. De plus je veille toujours à choisir un angle qui me permette de dévorer chaque moment passer sur scène, de me délecter de chaque instant de partage avec le public qui me fait l’honneur d’être présent. D’ailleurs je suis particulièrement ravi des retours que j’ai de la part du public à la fin des spectacles ou sur les réseaux sociaux. Souvent j’échange avec des inconnus qui n ‘hésitent pas à me partager leurs expériences, et tout cela me régale! C’est un vrai bonheur!

Le partage de cette aventure artistique avec votre public semble avoir une importance particulière pour vous. Est-ce la raison pour laquelle vous avez choisi de monter sur scène ?

AP: Pour répondre de manière très simple avec une métaphore, je pense qu’il y’a une différence entre être à l’aise avec soi-même et partager sa vie avec quelqu’un, ou faire des pompes et des abdos tout seul chez soi et aller au club de judo. C’est déjà super de pouvoir le faire, mais je trouve que c’est encore plus génial de pouvoir le partager. Je pense vraiment que la sociabilité est une des plus belles capacités de l’être humain, et j’essaie au mieux de la pratiquer. Mais Je n’ai que 25 ans et il m’arrive d’échouer. Mais lorsque j’y arrive, je suis heureux et je me sens libre, donc je n’hésite pas à continuer.

Vous avez eu l’occasion de jouer votre dernier spectacle dans plusieurs langues à l’étranger. Aujourd’hui vous revenez jouer au Lucernaire à Paris du 02 au 20 mars. Qu’est-ce que vous éprouvez à l’idée de revenir à Paris, vous qui y avez vécu durant vos études ?

AP: Paris a toujours représenté quelque chose d’important pour moi, et j’ai longtemps pensé que le jour où je reviendrais pour y jouer ou y travailler, cela représenterait quelque chose d’encore plus important. Mais j’ai beaucoup évolué dans ma démarche. Aujourd’hui le fait de revenir à Paris n’a plus aucun lien avec les traumatismes et les douleurs que j’ai vécus lorsque j’y étais étudiant. Au contraire, j’ai une paix intérieure et une tranquillité folle à l’idée d’y retourner, et je pense que ce n’est pas un hasard si ce n’est que maintenant que les portes s’ouvrent et que je peux remonter sur scène au Lucernaire. Ce spectacle j’ai hâte de le proposer et de le partager avec le public. Sans en dire trop, il y’aura plein de surprises. On va même insérer une dose du multivers de Spiderman avec des univers parallèles, des personnages qui voyagent dans le temps, et quelques invités surprises.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

AP: Pour l’instant je bosse sur le spectacle que je jouerai au Lucernaire à partir du 02 mars . Mais en 2023 j’aimerais faire un Olympia, et je voudrais qu’il soit consécutif à une belle résidence parisienne et à une belle tournée à l’étranger. Par exemple j’aimerais beaucoup rejouer au Canada. L’idée est donc que d’ici 2023 je parvienne à monter ce spectacle dans la forme qui s’approche le plus de ce que j’ai envie de faire ressortir, et que je puisse jouer plus, jouer mieux et jouer loin.

Entretien mené par Sarah GIORIA NDENGUE

Infos: http://alexandreprevert.com/

 

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