Série : Les gens de Rien   Tome 1 Jusqu’au printemps

Scénariste, Dessinateur, Coloriste : Charles Masson

Edition : Delcourt 

Date de sortie : 17 mars 2021

Ne pensez pas que les gens discrets n’ont pas d’histoire. Nous possédons tous notre part de rêve, de folie, de petites joies, de tristesse. Ces morceaux discrets forment le patchwork d’une vie. Celle de Marie commence par un rêve de printemps avec sa copine de la maternelle. Un rêve de monitrice en colonie de vacances en Corse pour des filles du continent. Elles n’hésitent pas à plonger dans les eaux les plus noires avec les petits gitans pour apprendre à nager. C’est la condition essentielle pour participer à l’aventure. Un peu roublardes, toujours enjouées, elles gagnent le prix de leur quête. Ce n’est que du bonheur discret, sans flonflons du bal ni couleurs fluo. C’est juste la joie discrète des petits riens. Puis le temps passe. Marie suit son petit bout de chemin. Sa copine épouse un brave gars. Bientôt le rire des enfants sera le lot de Marie. Elle avance sur le chemin de l’existence sans tanguer, maitresse d’école. « Elle avait une famille immense, de tous les types, de toutes les couleurs. » Le fleuve coule jusqu’à l’océan pour le dernier saut. Elle se termine sur une fin discrète, une consultation, une annonce faite à Marie. Une sale maladie sans miracle, elle souhaite juste un dernier printemps avant de fermer la porte. Les gens sans importance possèdent aussi leur histoire discrète qui vous arrache des larmes au fond de l’âme. Il devrait y avoir toujours une bonne amie pour se souvenir d’un dernier printemps sur terre.

 

Charles Masson aime ces histoires de rien qui nous disent tout sur nos propres angoisses, nos joies, nos peurs face à la vie. Il possède un don particulier pour délier la parole comme un conte aux couleurs de la réalité. Clochards, routiers, gens de rien, ils gagnent son attention pour inventer un nouveau genre de récit, le road-movie existentiel. Il nous entraine avec ses petits riens sur les sentiers de la vie pour le meilleur et le pire. Il compose des cases aux petites touches de couleur, le trait fin et précis dans l’esprit de la ligne claire. Il trace un vide plein d’émotion sous le crayon. C’est un dessin harmonisé touchant à l’essentiel, comme ces feuilles mortes emportées par le vent. Elles symbolisent peut-être le chemin de vie de Marie. Marie, ce petit bout de femme ne faiblit pas face au cancer. Elle demande juste les couleurs, les odeurs d’un dernier printemps avant de tirer sa révérence. Ces leçons de vie nous touchent au plus profond du cœur palpitant, emporté dans un premier temps par deux jeunes filles et leur rêve de Corse. Étonnée par tant de bienveillance, d’amour de l’autre, cette maitresse d’école nous accroche des arcs-en-ciel à l’âme. C’est une histoire de fin de vie d’un dernier combat avec discrétion et classe, sans faiblir, sans faillir, seulement en  acceptant l’inéluctable. Cette nouvelle pierre est la première d’une série que nous espérons longue à l’édifice des gens de rien. Ils cachent de belles histoires nobles pour nous apprendre à vivre, tout simplement. Charles Masson comme Anne sylvestre peut dire : « J’aime les gens qui doutent — Les gens qui trop écoutent — Leur cœur se balancer — J’aime les gens qui disent — Et qui se contredisent — Et sans se dénoncer » C’est un de nos coups de cœur.

Patrick Van Langhenhoven

 

 

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