« Rumeurs d’Amérique »

Alain Mabanckou, Plon 2020

 

« Le monde est mon langage ». Dans un précédent ouvrage, Alain Mabanckou laissait déjà deviner la
disposition qu’il avait à passer d’un univers spatial à l’autre. Après nous avoir transportés dans la
cosmogonie africaine, nous avoir conduits à travers les quartiers parisiens, c’est un voyage en terre
inconnue, mais pas complètement, que nous propose l’auteur dont le titre du dernier livre,
« rumeurs d’Amérique » trahit la destination.
Fini Pointe-Noire, finis les différents quartiers ambiancés des villes africaines, finies les ballades à
travers les rues d’arrondissements parisiens, place à l’Amérique! Cette Amérique puissante, mais
profondément contrastée. Ici, on vit au rythme des dernières tendances, mais la rapidité avec
laquelle peut survenir un drame suffit à nous replonger dans la noirceur des maux qui ne cessent de
miner ce pays.
Cette Amérique, ça fait plus de 15 ans qu’Alain Mabanckou la pratique. Il en connait la force et les
faiblesses. D’ailleurs, lorsqu’il la raconte, il se raconte également. Comme si finalement, son histoire
était intimement liée à l’histoire de ce pays. C’est donc naturellement que ses modèles se
confondent à ceux de l’Amérique : Mohamed Ali, Toni Morrison, Faulkner. De la même manière, ses
inquiétudes sont celles avec lesquelles se lève et se couche ce pays chaque jour, les plus importantes
étant les questions de « race » et de classe.

Cependant, si dans ce livre Alain Mabanckou scrute surtout d’un regard concerné et particulièrement
avisé la société américaine, il ne s’empêche pas pour autant d’établir quelques ponts entre les trois
identités qui sont siennes, comme si finalement elles étaient liées de manière indéfectible. D’ailleurs,
certains sujets sont des constances que l’on retrouve indépendamment du cadre choisi : C’est le cas
de la musique. Ici, elle est encore une loupe et un fil qui permettent de suivre l’évolution de la
société, cette fois-ci, américaine.
Finalement, L’Amérique que décrit Alain Mabanckou est une Amérique qu’il regarde de près, une
Amérique qui lui est familière, tant son histoire personnelle s’y est mêlée. Mais c’est aussi une
Amérique dont les nombreux paradoxes imposent un recul certain, ce qui expliquerait la volonté de
lui consacrer un livre plus de quinze ans après s’y être installé, comme si avant d’entreprendre de la
raconter, il fallait au préalable vérifier les rumeurs.

Sarah GIORIA NDENGUE

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