Elle rôde, silencieuse, attendant son heure. Elle sait qu’elle aura le dernier mot, le dernier
souffle. Sol, du haut de ses sept ans, voit les tantes qui s’agitent dans un ballet chaotique pour
célébrer son papa. C’est un anniversaire particulier, celui qui tiendra une place ineffable plus
tard quand elle aura grandi. Pour l’instant, la petite fille voudrait que son père accepte de la
voir. Elle voudrait se faufiler, petite souris pour le voir et se blottir dans ses bras. Les femmes,
déesses d’un autre temps, forment une barrière infranchissable comme pour empêcher l’entrée
au pays de l’Hadès. C’est la mort que l’on célèbre dans cette multitude de gestes, insoumis,
fragiles, mais porteurs des dernières promesses. Une vieille femme exorcise la maison hantée
par la douleur s’accrochant au survivant, porte pour les morts. La soirée peut commencer. Sol
peut voir enfin son père et lui donner cette part à emporter ailleurs, dans un spectacle pour lui
dire une dernière fois je t’aime.

Mictlantecuhtli, la mort pour les Aztèques, n’est pas une ombre qui survole le récit, mais un
personnage invité à cette noce particulière comme les autres. C’est toute la différence du
rapport à la mort, au Mexique on ne la craint pas comme en Occident. Chaque année on la
fête avec les chers disparus reprenant vie un instant. Lila Avilés écrit un poème vu à travers
les yeux d’une petite fille de sept ans. La journée s’étire comme un long voile, avec en fond
les murmures dévoilant la maladie du père. On comprend que la grand-mère a succombé au
crabe, que le grand-père en porte encore les stigmates, mais que le père est en bout de course.
La mort hante les lieux, nargue les vivants et leur porte parfois un coup fatal.
Une exorciste passe de pièce en pièce, marmonnant des formules pour chasser les mauvais
esprits. Sol passe, innocente, la vie face à la mort, un père qui refuse de la voir de peur de
l’effrayer. Est-ce qu’elle comprend ce qui se joue ? Que cette fête sera la dernière, qu’on ne
célèbre pas un an de plus mais la fin du voyage. Sol prépare son spectacle pour son père, un
tour de magie qui ne fera pas disparaître l’inéluctable, mais lui donnera un instant de joie. Les
femmes évoquent un ballet, celui du vivant et de la muerta. Le temps s’étire, s’efface pour ne
pas troubler le dernier soir. Tout est couleurs et fragrances de nature que l’on voit comme des
morceaux nous rappelant que nous ne sommes pas immortels. C’est un beau regard plein de
poésie et d’harmonie dans un requiem en images, à méditer.


Fiche technique
Titre original : Tótem
Réalisation et scénario : Lila Avilés
Photographie : Diego Tenorio
Montage : Omar Guzmán

Musique : Thomas Becka
Costumes : Jimena Fernández, Nora Solis
Production : Lila Avilés, Tatiana Graullera, Louise Riousse
Société de distribution : Les Alchimistes (France)
Pays de production : Mexique, Danemark, France
Langue originale : espagnol
Format : couleur
Genre : drame
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : 30 octobre 2024
Distribution
Naíma Sentíes : Sol
Montserrat Marañon : Nuria
Marisol Gasé : Alejandra
Saori Gurza : Ester
Mateo Garcia : Tonatiuh
Teresita Sánchez : Cruz
Iazua Larios : Lucia
Alberto Amador : Roberto

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