Expulsées de leur squat, Nina et Djoul se retrouvent sur la route dans une vieille camionnette
brinquebalante. C’est le voyage qui importe bien plus que le but. Ce sont les visages, les
rencontres, en marge du monde dans l’espace des invisibles anonymes. Punks à chiens,
triquards de la vie se croisent dans cette déroute de la route. Nina et Djoul surmontent les
obstacles, fières de leur liberté, que personne ne peut leur enlever, sauf le temps. Passent les
paysages, les souvenirs d’un vieux chien, les mecs, les amours déçues, les petits boulots pour
survivre. La liberté a un prix et une récompense, se noyer dans la fête, se perdre dans les
soirées alcoolisées aux lueurs des néons d’un monde qui les a abandonnées. Tout va bien
jusqu’au clash entre Nina la zonarde et Djoul la punk rebelle. Elles se séparent pour continuer
la route seules, entre deuil et errance urbaine. Il n’est pas certain qu’elles finissent par se
retrouver.
Depuis ses débuts avec Pigalle en 1995, Karim Dridi n’a cessé de dresser une galerie de
portraits de gens peu ordinaires, souvent marginaux. Une fois de plus, ce n’est pas le but qui
compte mais bien la route tracée et ce qu’elle provoque. Au départ, ce sont deux âmes perdues
oubliées du monde, invisibles, subversives. Elles ont choisi de vivre leur vie comme elles
l’entendent, sans contrainte, rebelles, anars du fond du cœur. Elles avancent vers un horizon
qu’elles repoussent chaque fois plus loin, au rythme des rencontres, des amours de passage.
Comme le dit le réalisateur : « Emma a une très belle une formule pour dire cela : « Fainéant,
c’est ne rien faire. Fainéant, c’est faire le vide. Fainéant, c’est être. » Juste être. Elle se laisse
porter par le vent, accepte un petit boulot pour pousser plus loin la découverte du monde, la
quête de la fête.
Karim Dridi dévoile chaque fois un univers de l’ombre, ici ce que l’on nomme vulgairement
les punks à chiens. On découvre un monde de marginaux bien organisé, avec au centre la
liberté frondeuse, la fête et les chiens. Les codes ne sont pas de mise dans ce monde et
pourtant, chacun respecte l’autre. On croise d’autres figures, urbaines, familiales, vignerons,
chacun nous raconte un morceau de la grande vie. Parfois la misère devient pesante, comme
une fausse couche, drame qui imprègne forcément le corps et l’esprit de Nina. Sous ses airs de
documentaire en roue libre, le film est maitrisé de bout en bout. Chaque cadre raconte une
part de ces vies solitaires qui ne veulent pas se taire.
En filmant en scope, Karim Dridi nous donne une impression de western aux paysages à
l’horizon infini. C’était une évidence pour saisir au plus près les deux personnages hors
normes. A la question de la subversion du film et de son cinéma en général, Karim Dridi
répond : « Mais la subversion c’est aussi faire ce film envers et contre tous, car en réalité,
personne ne voulait financer un film sur ces gens-là. Juste le fait de réaliser ce film, c’est déjà
de la subversion. C’est un geste artistique de survie, de résistance. C’est un acte de la pensée.
C’est vital. Parce que l’inverse de la subversion, c’est la résignation. » C’est un film sur
l’instant présent, une fuite en avant perpétuelle, sans jamais regarder en arrière. C’est peut-
être ce qui nous fascine dans nos petites vies confortables.


Pays France
Année de production 2024
Durée 103 minutes
Sortie nationale 29-05-2024
Un film de Karim Dridi
Scenario : Karim Dridi et Emma Soisson
Image : Aurélien Py, Benjamin Ramalho et Jean-Yves Ricci
Son : Tom Allibert-Bardoux et Jean-Noël Yven
Montage : Paul Pirritano
Musique : David Gubitsch, Clément Leotard et Vincent Peirani
Production Mirak Films et Les Films du Veyrier
Distribution New Story


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