Raven


Titre : T1 Némésis                        

ScénaristeDessinateurColoriste : Mathieu Lauffray

Edition : Dargaud  

Date de sortie : 5 juin 2020

Raven est une histoire de pirates et de cartes au trésor pleine de rebondissements. Notre aventure commence au fond de l’océan profond, près de l’île de Tortuga. Raven, notre héros attend son trépas, enchainé à une ancre pour faire bonne mesure. La mort risque d’être la gagnante de cette loterie, à moins que la vie ne lui joue un mauvais tour ! Raven, le pire des sacripants, anarchiste jusqu’au bout des ongles pourrait bien cette fois donner sa part à la vieille faucheuse. Le bougre avec cet esprit libre, sans frontière, s’est mis toute la piraterie à dos. Peu de temps avant cette situation inconfortable, son tempérament fougueux cause le pire des abordages, sabordages. De retour sur l’île, repaire de sacripants et hors la loi, il obtient le titre honorifique de porte la poisse.
Il doit soigner sa réputation et son coup de bol rapidement par un coup d’éclat. C’est à ce moment précis du récit qu’intervient la cause de cette noyade machiavélique. Darksee est une des rares drôlesses sans pitié dans ce monde de soudards. Elle n’aime pas qu’on la contrarie. Raven se retrouve en mauvaise posture payant le dernier mauvais tour joué à la belle. Ailleurs
,des naufragés malchanceux tentent de survivre retranchés dans un fort sur une île infestée de cannibales. Une carte au trésoret le butin des conquistadors relient les protagonistes de notre histoire. Ils ignorent qu’ils ont rendez-vous avec une quête périlleuse et tumultueuse.
Les pirates ont le vent en poupe depuis un certain temps. Mathieu Lauffray n’en est pas à sa première piraterie du genre. On lui doit la réinterprétation de l’histoire d’un des plus grands unijambistes, Long John Silver. Avec son complice Xavier Dorison, il lui réinvente sa vie dix ans après L’île au trésor de Robert Louis Stevenson. Cette saga au grand souffle exotique s’inspirait de l’âge d’or du cinéma de flibustiers etpirates des années cinquante et soixante. Cette fois l’aventure de Raven semble se glisser plus dans les pas de Pirates des Caraïbes, plus flamboyant. Dans ce premier album, seul aux commandes, Mathieu Lauffray renoue avec l’imaginaire des hommes de la côte.
Il choisit la période en plein cœur de l’âge d’or
, sous le règne du Roi Soleil. Il nous entraine dans un tourbillon de situations cocasses et tumultueuses sans aucun temps mort. Nous retrouvons les situations incontournables du genre, abordage haut en couleur dans une séquence d’ouverture dantesque. Première page saisissante de Raven et son ancre sur fond d’océan. Le crayon de Mathieu Lauffray s’ouvre sur le grand large sans aucune tempête pour maitriser son envol. Nous passons du gros plan d’un visage aux portes de la mort, aux gréements des galions en quête de butin. Il ne joue pas dans l’intime, mais embrasse l’horizon de tous les possibles. Les navires jaillissent du brouillard, saisissant le lecteur dans un tourbillon de sentiments aventureux. Double page éclatée dans le fracas de l’action, explosant dans les tons de feu et d’or pour le bonheur des yeux.
L’espace semble ne plus pouvoir contenir l’avidité du récit. La tradition vole en éclat pour suivre un nouveau courant bouillonnant. Il ne s’interdit rien, se permet tout. Chaque dessin oscille entre peinture marine et portrait de l’époque. Il nous entraine,poussé par vents et marées, dans un scénario embarquant à bord et tribord les incontournables passages du genre. Pirates sans foi ni loi, gouverneur avide d’argent, nobles perdus, cannibales, mauvaise fille, petite péronnelle, tout est en place pour le meilleur et surtout le pire. Ces figures sont doubles, se jouent des apparences. Raven plane sur la plume des auteurs de la fin du XIXe siècle, Théophile Gauthier, Dumas, Defoe, Stevenson, et bien d’autres. Il s’inscrit en digne successeur de Victor Hubinon et déjà comme un classique du genre.

Patrick Van Langhenhoven

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