« Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid,
la faim, la misère leur rendaient la vie bien difficile. Et puis un jour… » le narrateur.
Un jour un cadeau tombe, non pas du ciel, mais d’un train de marchandises en route vers
l’indicible nuit. Pauvre bûcheronne désespérait de n’avoir pas eu d’enfant pour égayer leur
vie. Ce cadeau était donc le bienvenu.
« Elle n’avait pas d’enfant à nourrir, certes, mais pas non plus d’enfant à chérir. »
Pauvre bûcheron n’était pas de cet avis. Cette maudite marchandise était une sans cœur. Et on
le sait, les sans cœur n’ont pas de cœur. Pourtant, pauvre bûcheronne ne lâche rien et finit par
attendrir le cœur endurci par le froid et le dur labeur de pauvre bûcheron. Il découvre que,
contrairement à la légende, « Les sans cœur ont un cœur ».
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si, ailleurs, le vent noir ne soufflait sur
l’Europe. Pauvre bûcheronne finit par se réfugier chez l’homme à la tête cassée. Il connaît
bien la noirceur de l’âme de certains de ses compatriotes, lui qui a vu l’enfer dans une autre
guerre. Le train traverse toujours la forêt, avec sa triste marchandise pour rejoindre les fumées
derrière le mur, au loin. « C’était un temps déraisonnable » dira plus tard le poète. Est-ce que
la petite fille a grandi dans la fureur de ce monde ? Est-ce que les fumées se sont éteintes ?
Est-ce que la vie reprend, joyeuse et tendre ? Est-ce que celui qui jeta la précieuse
marchandise du train la retrouvera un jour ? C’est un conte, vous le savez bien et tout est
possible.

« Les jours succédèrent aux jours, les trains aux trains. Dans leurs wagons plombés, agonisait
l’humanité. Et l’humanité faisait semblant de l’ignorer. »
Jusqu’à maintenant, Michel Hazanavicius se refusait à aborder le thème de la Shoah. Il dira au
festival d’Annecy : « Je m’étais promis de ne jamais faire un film sur la Shoah. Ma famille
vient de cette histoire, je n’avais pas envie de me lancer dans un travail pédagogique, un film
obsédé par le devoir de mémoire. Mais le conte m’a profondément touché et j’ai pensé que
cela pouvait être une manière nouvelle d’aborder le sujet. »
Un conte possède en lui bien plus qu’une promesse, une allégresse à toucher l’âme pour
mieux nous faire comprendre la noirceur et la beauté du monde et de la vie. Dans cette nuit
sans fin brille la flamme des Justes. Ils nous rappellent que rien n’est perdu. Le monde n’est
pas sans âme. C’est un conte de vie, ce sont les plus beaux, ceux qui vous remuent à
l’intérieur et vous transforment comme pauvre bûcheron. Si pauvre bûcheronne découvre la
joie de la maternité, pauvre bûcheron apprend qu’il n’a pas perdu son âme et qu’elle l’appelle
à l’amour.

Il nous parle du « bien le plus précieux », l’amour, dans cette période de ténèbres, qui soulève
bien plus que des montagnes. On comprend assez vite que nous sommes en Pologne, dans la

forêt des contes, sans petit Poucet, ni méchant loup, mais bien plus cruelle, celle des hommes
sans âme. On comprend pourquoi Michel Hazanavicius a été touché par cette histoire simple,
La Plus Précieuse Des Marchandises, devenue un trésor sous son crayon. Il donne vie aux
personnages de façon intemporelle, comme le récit. Les décors sobres jouent de la poésie pour
écrire un drame avec la neige et un oiseau symbolique. L’un des symboles de l’oiseau est la
transformation de l’œuf qui au bout du compte, finit par s’envoler vers le ciel. C’est tout le
chemin que suit cette histoire et la « petite marchandise ». La forêt représente la nature
indomptée, non touchée par l’homme. A l’extérieur, le monde s’enflamme, mugit, explose
sous le pas noir de l’histoire. Le train ne fait que passer et pourtant, c’est cette petite
marchandise, jetée hors de celui-ci qui transforme ce lieu oublié.

« Les contes m’ont nourri toute ma vie, ils m’ont fait ce que je suis. Comment ont-ils fait ? Je
l’ignore, c’est leur secret. » Henri Gougaud.
Quelle meilleure manière de parler de la Shoah, sans jamais la nommer, en en faisant un
conte. Les images parlent d’elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de mots pour nous toucher.
Un babillement dans le blanc manteau, une pauvre femme en quête d’un enfant et ce cadeau.
Un train qui file, noir comme la nuit, tranchant sur le blanc et les arbres squelettiques. Ils
finiront par se couvrir d’émeraude au fur et à mesure que grandit ce petit rien, devenu tout
pour une pauvre bûcheronne. Chaque personnage est une part de l’humanité. Le bûcheron et
la bûcheronne, l’amour, les autres bûcherons portés par la haine, une chèvre, une ville noyée
dans les fumées, un oiseau, un chien et un homme perdu au milieu d’un camp libéré. Un autre
personnage remarquable, le vieil ermite, le sage de l’histoire, l’homme à la tête cassée. Toutes
ces figures nous en disent bien plus de l’humanité et de sa capacité à épouser la nuit ou le
jour. Ils sont portés, dans la pure tradition du conte, par les voix remarquables de Dominique
Blanc, la bûcheronne, accueillant la vie, Grégory Gadebois, Golem fragile et Denis
Podalydès, trop conscient de la folie humaine. Mais c’est un conte et cela n’a jamais existé, le
pensez-vous ? « Tout le reste est silence. »


Titre original et francophone : La Plus Précieuse des marchandises
Réalisation : Michel Hazanavicius
Scénario : Michel Hazanavicius et Jean-Claude Grumberg, d’après La Plus Précieuse des

marchandises de Jean-Claude Grumberg
Musique : Alexandre Desplat
Direction artistique : Julien Grande, Michel Hazanavicius1
Montage : Laurent Pelé-Piovani
Production : Patrick Sobelman, Florence Gastaud, les frères Dardenne, Robert Guédiguian, Riad
Sattouf
Production exécutive : Christophe Jankovic, Valérie Schermann1
Sociétés de production : Agat Films – Ex Nihilo, Les Compagnons du Cinéma, Prima Linea
Productions, Les Films du Fleuve
Société de distribution : Studiocanal (France)
Budget : 15 millions d’euros
Pays de production : France,Belgique
Format : couleur – Dolby Digital
Genre : animation, drame
Durée : 81 minutes
Dates de sortie : 24 mai 2024 (Festival de Cannes) 20 novembre 2024
Distribution
Jean-Louis Trintignant : le narrateur
Dominique Blanc : « pauvre bûcheronne »
Grégory Gadebois : « pauvre bûcheron »
Denis Podalydès : l’homme à la tête cassée


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