“Je est un autre” ! 

Comme le suggère l’affiche de la 43ème édition du salon du Livre Sur Place, les mots sont un rempart aux entraves, aux séparations, aux clivages et aux frontières trop nombreuses que l’on voit s’ériger de plus en plus régulièrement dans notre monde. Mais pour qu’ils puissent agir de manière décisive, il est important de choisir minutieusement ce qu’ils disent, de quoi ils sont le reflet.  

À l’issue de cette deuxième journée du Livre sur la Place, c’est la capacité de ces mots, notamment des mots d’amour à nous rapprocher les uns des autres que nous avons voulu questionner.  

Dans une discussion entre Anouar Benmalek , Louis-Philippe Dalembert et Konstantinos Tzamiotis, se sont posées les questions de l’altérité et de l’humanité, à travers trois situations dramatiques que la géographie éloigne, mais que l’horreur semble rassembler. Qu’il s’agisse de la guerre en Syrie, du racisme systémique aux Etats-Unis ou des migrants indésirables qui débarquent sur une île grecque, comment raconte-t-on ces récits sans pour autant en faire des témoignages de l’horreur, sans tomber dans un manichéisme volontaire qui nous éloigne de ceux qui commettent ces atrocités, nous confortant ainsi dans la croyance de notre supplément d’âme ? À cette question, les livres des trois auteurs ‘’L’amour au temps des scélérats” (Emmanuelle Collas), « Milwaukee blues » (Sabine Wespieser) et « Point de passage » (Actes Sud), apportent une ébauche de réponse.  Non seulement aucun siècle, aucune époque n’a jamais eu le monopole de l’inhumanité, mais bien au contraire, le monde est fait de cycles qui se renouvellent sans cesse grâce à la lueur d’espoir inextinguible qu’est l’amour. L’amour comme outil de lutte contre les violences, l’amour comme invitation à respecter l’autre, être gardien de sa dignité, l’amour comme facteur de rassemblement fasse aux tentatives trop grandes de division.   

Cet amour, il est un amour de soi, et il est un amour de l’autre.  Lorsqu’il n’est pas occupé à rapprocher les êtres vivants les uns des autres, il est prétexte de dénonciation de la cupidité et de la bêtise humaine, comme le décrivent David Diop, Wilfried N’Sondé et Thomas B. Reverdy dans leurs livres respectifs :  « La porte du voyage sans retour »(Seuil), « Femme du ciel et des tempêtes (Actes Sud) et « Climax », Flammarion).   

En définitive, les dialogues entamés entre les différents auteurs et les échos récurrents que se font leurs livres démontrent à suffisance que le monde est un écosystème. Tous les êtres vivants sont en interconnexion, voire en interdépendance. De ce fait, détruire un élément de cet ensemble reviendrait à bouleverser l’équilibre de l’ensemble tout entier. La pleine conscience de l’altérité, la reconnaissance de ce qui est différent, plus qu’une recommandation est donc une nécessité. Nécessité, non seulement pour le bon équilibre de l’écosystème mais nécessité pour chacun, car l’amour de l’autre nous rend digne.  Et s’il y’a bien un métier qui demande d’aimer les gens, c’est celui de comédien, comme le confesse Philippe Torreton, venu clôturer cette belle deuxième journée du livre sur la Place, avec une conversation autour de son nouveau roman, “Une certaine raison de vivre » (Robert Laffont), un roman d’amour.  

 

 

 Sarah GIORIA NDENGUE 

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