C’est une ville aux portes du désert de Gobi, une ville aux portes de l’apocalypse, à quelques
jours d’une éclipse. Elle est abandonnée aux chiens errants et les rares habitants accrochés à
leurs racines. Les maisons ne sont plus que des tombeaux vides où s’engouffre le vent
sauvage du désert. Quelques survivants restent encore debout, avant que ce monde ne
s’effondre pour laisser place au renouveau. C’est dans cette ville que revient Lang, en liberté
conditionnelle après avoir purgé une peine de prison pour homicide. On ne saura pas grand-
chose sur les circonstances qui demeurent encore mystérieuses. Il devra s’intégrer de nouveau
dans une ville qui le renie, alors que lui en veut encore. Il possède quelques amis fidèles et un
père qui s’occupe du vieux zoo à l’abandon. Le boucher lui reproche encore le meurtre d’un
membre de sa famille. Lang trouve un travail dans la brigade privée capturant les chiens
errants devenus ingérables. Dans cette bande sauvage, un vieux cabot noir, à la tête mise à
prix, lui mènera la vie dure. Pourtant, ces deux bannis finiront par s’entendre, pour le meilleur
et surtout le pire.

Guan Hu est un grand réalisateur au service de l’Etat, dans un cinéma à la gloire de celui-ci,
comme son dernier film 800. C’est l’histoire d’un groupe de soldats cernés par les Japonais,
pendant la Seconde Guerre mondiale, dans l’entrepôt Sihang. C’est un film de propagande à la
gloire du courage de ces résistants et de la Chine nouvelle. Black Dog montre une autre
facette du pays, moins brillante, symbolisant une Chine ancestrale, condamnée à disparaitre.
Guan Hu joue sur une ligne fragile, entre la dénonciation de ces villes fantômes, autrefois
florissantes, et le système. Il choisit un personnage sur le retour, rejeté par ce dernier, entouré
de vieillards et de leurs chiens, s’accrochant à un passé révolu. Il y a à la fois, comme dans
d’autres films plus dénonciateurs, ces territoires que le pouvoir central abandonne. Et
l’espérance d’un monde nouveau qui ne pourra se faire qu’ailleurs, en rejetant le passé pour
un avenir meilleur. La figure du solitaire Lang nous rappelle ces héros de western ou de films
de genre, polar, fiction, lancés dans une quête impossible. C’est une question de territoire et
de pisse qui rapproche le chien noir, squelettique, et Lang. Les deux rebelles se ressemblent et
finissent par se retrouver pour faire un bout de route ensemble.
Ils évoluent dans ce monde aux couleurs de l’apocalypse qui signifie aussi le renouveau. Les
autres protagonistes nous rappellent cette Chine en mutation, en pleine évolution, qui
s’émancipe d’hier. Il ne reste que le père qui appartient déjà à une époque révolue, les
vieillards abandonnés et leurs chiens. Un cirque passe avec une jeune fille qui pourrait être
l’espérance. Lui aussi n’est plus de son temps. Il nous rappelle ces spectacles d’autrefois,
condamnés, dans une Chine qui avance. Dans l’esprit du western, il faut un grand patron, ici
le boucher et son commerce de serpents, florissant. C’est dans ce paysage, au cœur de ces
ruines et de ce zoo abandonné, que se déroule l’histoire. Autour, c’est le désert, vide, brûlé par
le soleil. Lang refuse de plier comme le passé de la Chine mais est-ce qu’il pourra encore tenir
longtemps ? Black Dog marque aussi un changement dans la place du chien en Chine, passant
d’objet de consommation à celui de compagnon. La mise en scène joue à la fois de l’intime,

des grands espaces vides, chers au western, avec une touche de poésie. Elle s’inscrit aussi
dans les créneaux du film noir, quand le désespoir conduit à l’exil, car on le sait, l’herbe est
toujours plus verte ailleurs. C’est notre coup de cœur de la semaine, parce que nous aimons
les chiens et les âmes oubliées.


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