Série : Olive                          

Titre : ¼ Une lune bleue dans la tête

Scénariste : Véro Cazot

Dessinateur : Lucy Mazel

Coloriste : Lucy Mazel

Edition : Dupuis

Date de sortie : 8 mars 2020

Olive imagine dans sa tête un monde aux décors surréalistes. Elle échappe au quotidien et aux bavardages inutiles des autres au cœur d’une bulle bleue. Son univers se compose d’un rêvarium, d’une forêt, et de paysages aux couleurs dulevant, des gardiens de pierre et d’une baleine lumineuse, translucide. Elle possède comme second compagnon et pour tenir la conversation, un canard en plastique. Ce dernier est doté de pouvoirs particuliers bien utiles en plus de son laboratoire nécessaire à la fabrique de ses envies. Est-ce un univers envahissant une tête malade d’autiste, une cinglée sur une autre planète. Est-ce un monde parallèle et bien réel ?Allez savoir ! Olive s’isole des autres, s’enferme dans sa solitude et son pays imaginaire. Cette paix intérieure se trouve bousculée par l’arrivée d’une colocataire, pie bavarde, et d’uncosmonaute. Le calme méditatif de la jeune fille se trouble avec cette farce du destin. Il se complique quand les infos annoncent la disparition d’un cosmonaute. Est-ce celui qui squatte sa bulle ?

Lucy Mazel trace des dessins tout en rondeur pour une histoire bulle de Véro Cazot. Nous retrouvons l’univers de cette dernière centré souvent autour de la différence. Un monde s’effondre à l’image de Betty Boob aux allures d’une Betty Boop réinventée. Max finit par disparaître, invisible au monde, Les petites distances. Nous retrouvons avec Olive les mêmes interrogations sur la difficulté d’être, de communiquer, l’amitié, la solitude, l’imaginaire, l’enfance et nos peurs incontrôlées. Une fois de plus, le monde réel et celui que l’on s’invente se croisent. La première séquence s’ouvre sur vol en avion forcé d’amerrir. Nous basculons sans plus attendre dans l’univers d’Olive.

« Au début, il n’y avait presque rien. Juste la lune bleue comme de l’encre, indéboulonnable de jour comme nuit ».

Nous oublions très vite ce qui peut lier ces deux évènements, pour suivre l’héroïne dans son monde parallèle. Comme Max,la jeune fille semble invisible, personne ne se soucie de cette âme sans attache. L’arrivée de Charlie bouscule son petit univers où l’ailleurs possède une place importante. Plus elle cherche à se rapprocher d’Olive, plus celle-ci s’échappe comme si elle ne souhaitait pas que l’on s’intéresse à elle. L’autiste, comme l’appellent les autres, est bien plus riche à l’intérieur que ces vies ordinaires. Deux tempéraments opposés pour l’instant s’entrechoquent sans se comprendre. Parfois on est désarçonné par l’histoire et les personnages.Quelle place occupent ces passants de la vie dans celle de notre jeune fille ? Les deux univers se fendillent peu à peu. Un phoque dans l’imaginaire, Charlie dans la réalité bousculentl’ordre établi. On comprend que quelque chose nous échappe que nous finirons par découvrir par la suite. La vie, la mort, l’océan semblent jouer une partition nouvelle de la vie et de la mort. Est-ce quelques lambeaux de la vie qui s’accrochent encore à l’âme avant le passage du Styx ? Il nous faudra attendre la suite pour comprendre où nous conduit cette âme solitaire et différente. Les dessins, les personnages tout en rondeur et en douceur de Lucy Mazel flottent de case en case,explosant parfois en pleine page onirique. L’eau, la terre, le vent et la pierre, les quatre éléments prennent cet autre continent pour territoire. C’est celui que l’on fabrique avec son esprit, pinceaux, plumes et crayons. Des feuilles d’azur s’envolent dans l’or des soleils aux mots doux. La fantaisie bouscule nos certitudes par une réalité autre. Elle finit par se trouver perturbée par l’incursion de ce cosmonaute. Olive n’a plus besoin d’un psy, mais certains lecteurs peut-être ? Il suffit de se laisser porter et d’accepter que la trame de la tapisserie nous échappe. Ce premier album touchant évoque la différence avec grâce et magie, texte et dessins en harmonie.

Patrick Van Langhenhoven  

 

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