SAMUEL FOSSO S’EXPOSE À LA MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE

Il fait partie des photographes de la scène contemporaine que l’on ne présente plus.

D’un père Camerounais et d’une mère Nigériane, Samuel Fosso est né en 1962 dans la ville de Kumba (Cameroun). Souffrant d’une paralysie partielle, à l’âge de deux ans il est envoyé au Nigéria où vit son grand-père, médecin traditionnel. Après cette brève étape nigériane, il rejoint un oncle à Bangui et s’installe dans la capitale de la République Centre-africaine. Ce dernier déménagement est révélateur, puisqu’ en même temps il commence à s’intéresser à la photo, et à l’age de 13 ans, ouvre son premier studio qu’il appelle « Studio Photo National ».

Dans la journée Samuel photographie les autres et fait tourner le studio. Le soir, il s’amuse à se mettre en scène et devient son propre modèle. Avec un goût prononcé pour les vêtements et le style, Samuel Fosso commence à réaliser des autoportraits inspirés de la pop-culture internationale et africaine, notamment d’artistes comme Prince Nico Mbarga.

L’exposition qui lui est consacrée à la Maison Européenne de la photographie revient sur près de cinquante ans de carrière et rassemble pour la première fois en France, l’ensemble de ses séries.

Plus de 300 tirages, des séries emblématiques et des travaux plus intimes et confidentiels, qui permettent de (re) découvrir le travail de l’artiste dans une dimension qui va au-delà de la photographie et rejoint la performance.

Samuel Fosso est un artiste dont le génie se traduit par sa capacité à mettre son corps au service des histoires qu’il veut raconter.

Ainsi la rétrospective proposée par la MEP nous conduit entre autres à Bangui, d’abord dans son studio photo où il joue un jeune garçon des années 70′ avec l’allure et le style qui conviennent puis dans une chambre de modeste facture où on le retrouve dans une mise en scène plus personnelle et intime. Ici, la série de trois photos intitulée « Mémoire d’un ami » (2000) rend hommage à la tragique disparition d’un de ses amis tué par la milice armée centrafricaine .

Mais au-delà de la dimension personnelle, les œuvres de Samuel Fosso fascinent également par leur capacité à interroger le monde et à questionner les rapports de force qui s’y jouent. Ainsi, on admire la série « Tati » (1997) conçue pour les 50 ans de la marque; On analyse la série « African Spirits » (2008) dans laquelle il se met en scène et recrée des portraits cultes de grandes figures du mouvement de la décolonisation et de l’indépendance sur le continent africain, des droits civiques et de la lutte contre la discrimination aux États-Unis ; On s’interroge devant la série « Emperor of Africa » dans laquelle il incarne Mao Zedong et invite à réfléchir aux relations entre la Chine et l’Afrique ; Et on se laisse surprendre par la série « Black Pope » dans laquelle on le retrouve en pape noir, arborant une soutane Gammarelli (tailleur officiel des papes) et reproduisant avec minutie la gestuelle papale. Difficile alors de ne pas se demander « À quand l’élection d’un pape noir au Vatican ? » Alors même que depuis deux décennies le nombre de catholiques a doublé en Afrique.

Finalement, de l’intime à l’universel, Samuel Fosso a toujours su utiliser son corps et son objectif pour dire l’indicible,  faire (re)vivre l’invisible, et surtout mettre de la lumière sur les parties sombres des petites histoires et/ou de la grande Histoire.

Sarah GIORIA NDENGUE

photo: Série « African Spirits » 2008, Exposition « Samuel Fosso, » Maison Européenne de la Photrographie

L’Expo est à voir jusqu’au 13.03.22 à la Maison Européenne de la Photographie

https://www.mep-fr.org/event/samuel-fosso/

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