Bully Wars
Scénariste : Skottie Young                                                                                                                                              Dessinateur : Aaron Conley
Coloriste : Jean-François Beaulieu
Edition : Urban Kids Date de sortie : 16 avril 2021

« Le premier jour d’école, c’est comme le premier jour de prison. »
C’est le premier jour de lycée pour Spencer, le petit futé intello, Édith fan de comics, et le geek Ernie. C’est la découverte d’un nouveau monde préparant à la fac. Ils espèrent que les petites misères du collège ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Le répit est de courte de durée, le harcèlement côté obscur de la face scolaire revient frapper à leur porte. Leur joie de vivre se transforme vite en cauchemar. Le benêt de Rufus, leur harceleur professionnel depuis
la maternelle, ne leur laisse aucun répit. Les grosses misères, les galères reprennent dès le
premier jour. « J’aime l’odeur des victimes au petit matin » Rufus.
Rufus est bien décidé à faire comprendre à ses souffre-douleurs qu’il est le nouvel Attila ! Une surprise de taille l’attend. Au rendez-vous des prédateurs, dans la savane, la hyène peut compter sur d’autres salopards pour pourrir sa vie. Ceci fait la joie de nos gazelles marquées à vie. Il pensait être le patron des teigneux, le cador de la maltraitance et le voilà minable. Cette fois il rejoint le camp des victimes. La jungle compte un autre malfaisant. Sa bande est bien décidée à lui montrer qui est le maître. Chaque année le dieu de ces vicelards, le prof de gym, organise un concours du plus méchant. Le vainqueur se voit attribuer le titre de roi des harceleurs. Rufus et ses anciennes victimes devront s’unir pour faire face et remporter la coupe d’or des harceleurs. La victoire est loin d’être acquise et l’année promise à de rudes traitements pour les perdants.

Après Middlewest récompensé par le Fauve jeunesse à Angoulême en 2021 (voir critique), Skottie Young revient avec Bully Wars. Il s’inspire de ses souvenirs de jeunesse et des années difficiles pour les transformer en une fiction réjouissante. C’est une manière ludique d’aborder un sujet plus sombre, le harcèlement scolaire. Il joue la carte de l’empathie avec tous ses personnages, y compris les méchants de l’histoire. Il utilise la même arme que dans l’héritage parental de Middlewest. C’est celle du rire, servi par un dessin humoristique aux personnages aussi tordus que la douleur d’Aaron Conley.

Derrière la face délirante du scénario inventif, il nous questionne sur cette épée de Damoclès, le harcèlement scolaire. Elle passe par des figures sympathiques des victimes. Spencer qui possède plus d’un tour dans sa caboche bien remplie, Édith fan de comics qui trouve dans leurs pages l’inspiration pour passer le cap et Ernie qui se réfugie dans son univers de geek pour supporter la tempête.Rufus, devenu victime, comprend qu’il a tout intérêt à s’associer aux petits futés pour s’en sortir. Skottie Young nous démontre, à travers cette fiction, que le dialogue et le vivre ensemble sont bien plus forts. Les mauvais garçons comprennent bien plus tard, une fois adultes, que l’union fait la force. Nous avons tous des compétences, des savoirs, des qualités à partager avec les autres. En deuxième lecture, c’est un regard sur la discrimination, expliquant sa complexité. Nous retrouvons l’univers des séries américaines sur les années lycée avec les belles gueules, les intellos, les geeks, les marginaux, le prof de gym et l’équipe de foot des
costauds. Les muscles ne sont rien sans l’intelligence, et cette dernière a besoin parfois d’un petit coup de pouce des premiers. L’empathie pour tous les personnages et un dialogue aux jeux de mots remarquables finit d’emporter notre adhésion à ce nouvel univers de Skottie Young.

Patrick Van Langhenhoven

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