les 8 salopardsUn film de :
Quentin Tarantino (Pulp Fiction – Kill Bill)
Avec :
Samuel L. Jackson (Shaft – Incassable)
Kurt Russell (New York 1997 – The Thing)
Tim Roth (Lie To Me –  Broken)
Demian Bichir (Machette Kills –  A Better Life)
Bruce Dern (The Cowboys –  Monster)
Walton Goggins (Lincoln –  Son Of Anarchy)
Michael Madsen (Donnie Brasco – Deep Winter)
Jennifer Jason Leigh (The Machinist – The Spectacular Now)
Durée : 2h48
Distributeur : SND
Au cinéma : 6 janvier 2016

Il est des réalisateurs où la sortie d’un de leur film est toujours en soi une mini révolution. Tarantino par bien des aspects en fait partie. Photographie impeccable, scénario singulier, dialogues pittoresques, bande son envoûtante, hommages omniprésents, Quentin aime le cinéma et aime partager cet amour. Au fil des années il a su créer un genre particulier, un univers profond marqué par ce qui deviendra plus tard son empreinte, un style reconnaissable entre mille.

Mais qu’en est-il de ce film ? C’est très simple, aussi simple qu’énigmatique. Après son visionnage on s’étonne simplement d’être venu au cinéma pour la première fois de sa vie !

En fait cela commence dès le début. Le grand rideau s’ouvre sur un écran pharaonique. L’intensité lumineuse baisse peu à peu. Une image d’ouverture s’offre à nous, rythmée par une douce et effroyable mélodie composée par un certain Ennio Morricone. Cela dure quelques minutes. Plongé dans l’obscurité de cette salle, avant que les premières images du film ne se dévoilent, qu’il soit bon ou non, on sait que l’on assiste d’ores et déjà à un vrai moment de cinéma.
Puis le film s’ouvre sur un plan d’une croix comme laissée à l’abandon, signe de rédemption mais signe d’un lieu sans Dieu, délaissé par lui où seule une poignée de salopards osent s’aventurer ici-bas.

La genèse : avril 2014, une lecture du scénario est faite par Quentin Tarantino et ses acolytes devant une salle réunissant 1600 personnes. Cette lecture à mi-chemin entre cinéma et théâtre devait rester un spectacle à part entière, mais devant l’engouement de la foule, l’idée de le transposer pour le cinéma vint. L’importance de ce détail réside dans le fait que ce scénario fut d’abord écrit pour la scène. La théâtralité, le placement d’acteurs, le décor, le comique de répétition, les longs monologues et l’intimité qui se crée grâce au format panoramique utilisé font que l’on reste toujours entre ces deux genres.

Ce film sera filmé en 70 mm ou ne sera pas ! (Q. Tarantino)
Plus que du 70 mm, « Les 8 Salopards » est tourné en Ultra Panavision 70, ce qui en fait le 11e film de l’histoire à être mis en boite ainsi. Popularisé dans les années 50 et 60, ce format reste réservé aux films de grande envergure. De « Ben-Hur » et sa mythique course de chars ou « Les Révoltés du Bounty » jusqu’à sa dernière utilisation en 1966 pour « Khartoum ». Et depuis, plus rien. Les optiques de l’époque ont du être modernisées pour s’adapter aux caméras actuelles. En plus d’apporter un rapport largeur/hauteur démesuré de 2.76:1 permettant des plans panoramiques extrêmement larges, ce format délivre une image d’une richesse époustouflante. Sa résolution 3 à 4 fois plus importante offre un grain, une finesse de détails et une restitution des couleurs inégalés. Chaque plan est majestueux ! Des paysages enneigés de l’Ouest américain aux scènes d’intérieurs. Et quel intérieur ! Le décor de la mercerie fourmille d’objets en tous genres et ce large format nous en montre tellement qu’il est impossible de tout discerner. Ajoutez à cela le jeu des acteurs, aussi bien ceux du premier que de l’arrière-plan et c’est plus d’un visionnage qu’il faudra pour tout appréhender.

On regarde le film une première fois pour l’histoire, une seconde pour tout le reste. (Q. Tarantino)
De plus ce format très large accentue l’oppression du huis-clos. On y distingue les quatre murs de la mercerie. Elle devient une cage où ils resteront enfermés, acculés à cause de la tempête de neige. Un sentiment de mal-être et de claustrophobie s’installe en nous. On est littéralement projeté au milieu de ce décor.

les 8 salopards 1

 

Synopsis : En plein hiver, une diligence fonce à travers la campagne du Wyoming. À son bord, le chasseur de primes John Ruth, surnommé « le Bourreau », se rend dans la petite ville de Red Rock afin que la femme qu’il a capturée, Daisy Domergue, y soit jugée.
En chemin, Ruth et sa proie croisent deux étrangers : le commandant Marquis Warren, ancien soldat nordiste reconverti chasseur de primes, et Chris Mannix, renégat sudiste qui revendique le titre de shérif de la ville. Pris dans une tempête de neige, Ruth, Daisy, Warren et Mannix trouvent refuge dans la mercerie de Minnie, où les diligences qui traversent la montagne ont l’habitude de faire halte. Mais en arrivant sur place, ils ne sont pas accueillis par la propriétaire des lieux, mais par quatre inconnus qui ont, eux aussi, voulu échapper au blizzard. Il y a là Bob, qui tient la mercerie pendant que Minnie rend visite à sa mère, Oswaldo Mobray, le bourreau de Red Rock, le cow-boy Joe Gage et le général confédéré Sanford Smithers. Tandis que la tempête s’abat sur le refuge de montagne, nos huit aventuriers comprennent peu à peu qu’ils ne réussiront sans doute pas à gagner Red Rock.

Les éléments qui font d’un film de Tarantino, un film de Tarantino, sont bien présents. Certain y trouveront du « Reservoir Dogs » pour son huis-clos. D’autre bien évidement y verront du « Django Unchained » avec la guerre de sécession en toile de fond (ici on est 6 ans après) mêlé à du « Kill Bill 2 » pour l’ambiance western spaghetti. Ambiance renforcée et sublimée par la bande son signée Ennio Morricone qui fait de ce film le premier de Tarantino à posséder une musique originale.

Bien sûr, ses légendaires dialogues sont de mise et le coté théâtrale fait que chaque acteur a droit à son monologue (si ce n’est pas plusieurs) et ça, c’est vraiment jouissif ! ([…] J’abattrai alors le bras d’une terrible colère… (Pulp Fiction)) 

Le casting est extraordinaire et à l’image de cette citation, les habitués ont répondu présent. Vous aurez donc reconnue Samuel L. Jackson plus volubile que jamais. Mais aussi Kurt Rusell dont le père interprétait le shérif adjoint dans la série « Bonanza ». Série qui, entres autres, a grandement inspiré Tarantino. Il aimait ces séries où c’était seulement à la fin de l’épisode que l’on savait si le personnage « caméo » était un bon gars ou un parfait salopard !
Les clins d’œil ne s’arrêtent pas là. Bruce Dern, qui incarne le général Smithers, a campé à plus d’un titre des rôles de salopards notoires dont celui qui a abattu John Wayne dans « The CowBoys ».
Le jeu d’acteur de ces 8 salopards là est juste grandiose. Tous différents, tous dangereux, liés par le blizzard et une méfiance constante envers l’autre où les ennemies d’hier seront les amis de demain et inversement.
Le film aurait pu s’appeler The Hateful 9 tant Quentin était avec nous, impliqué dans l’hstoire. (W. Goggins)

Les réjouissances continuent, on retrouve aussi la narration propre à Tarantino avec ses chapitrages et ses flash-back nous refaisant la scène d’un angle, d’un moment spatial ou temporel différent, avec comme à son habitude une parfaite maîtrise de son histoire !

La violence jubilatoire, qu’elle soit orale ou visuelle est aussi au rendez-vous. Moins présente tout de même, elle apparaît sur la fin du film mais toujours au second degré, absurde, caricaturale et presque grotesque. Une joyeuse orgie d’hémoglobine !

Conf Presse
L’équipe du film lors de la conférence de presse. ©Julien Joanny

Un des aspects que j’adore dans ce film, c’est qu’il n’y a pas de héros, tout comme l’indique le titre, ce sont huit salopards, aucun d’entre eux n’est fiable ! (Q. Tarantino)

Nous avons ici un grand film à bien des égards. Peut-être même le meilleur de sa filmographie. Mais au-delà du film, nous avons une expérience cinématographique comme on aimerait en voir plus souvent. Rituels d’antan. Ouverture musicale. Entracte. Une image à couper le souffle. Une musique tout en grandeur. Ce film nous rappelle ce qu’est aussi le cinéma : du grand spectacle. Un événement comme il n’y en a plus eu depuis 1966…

Et vous ? Depuis quand n’êtes vous pas allé au cinéma ?

Julien Joanny

 (Malheureusement (trop) peu de salles seront équipées de projecteurs 70 mm et à partir du 6 janvier il ne sera possible de visionner « Les 8 Salopards » dans ce format uniquement au Gaumont Marignan situé sur les Champs-Élysées)

Fleuron

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