EN ATTENDANT BOJANGLES

Genre: Comédie dramatique
Pays: France
Durée: 2h05
Réalisateur : Régis Roinsard
Acteurs: Virginie Efira, Romain Duris, Solan Machado-Graner

Cette histoire commence par une rencontre sur les terrasses d’une partie chic. Camille attire
l’attention de Georges venu en squatteur, comme elle. Leurs excentricités, leur fantaisie les
rapprochent comme un lien indéfinissable. Des bords de mer au fin fond de la campagne
ensoleillée, l’échappée belle se termine en mariage. Les jours ne sont jamais gris, toujours
remplis de cette espérance joyeuse comme le chant des cigales. On danse sur un air de Nina
Simone, quand au loin, le ciel devient gris. On danse sous le regard de Gary, leur fils et
Mlle Superfétatoire, une grue déambulant dans l’appartement. C’est une tempête farfelue qui
entraine les deux amoureux éternels et le petit qui grandit dans ce tourbillon sans frontière.
Peu à peu, Georges s’aperçoit que ce qu’il prenait pour une cicatrice d’originalité dans le
cœur de Camille cache autre chose. Peu à peu, la joie appelle la douleur, comme dans les vers
du poète Guillaume Apollinaire. « La joie venait toujours après la peine. Les jours s’en vont
je demeure. Des éternels regards l’onde si lasse. Les jours s’en vont je demeure. » Camille
semble frappée d’un étrange mal, montagnes russes des sentiments qui la portent des hauteurs
ensoleillées aux gouffres sombres les plus profonds. Georges se laisse emporter par cet amour
si grand qu’il ne peut concevoir autre chose que l’être aimé. Gary voit sa mère basculer dans
un monde où il ne peut plus l’atteindre. Viendra l’heure des choix difficiles, quand la chute
entrainera la famille dans un gouffre sans fin. Georges et Gary devront choisir entre la vie et
la folie pour toujours.
« Ceci est mon histoire vraie avec des mensonges à l’endroit, à l’envers… » Olivier
Bourdeaut.
Suite au succès du roman d’Olivier Bourdeaut, Régis Roinsard décide de l’adapter pour le
cinéma. Dans l’esprit du roman, c’est à travers le regard de Georges, joué par Romain Duris
que nous découvrons Camille dans un premier temps. C’est l’esprit de la fantaisie qui
s’empare de ces deux êtres concevant la vie comme une farce. Ils n’hésitent pas à se laisser
emporter dans une sarabande dionysiaque sans fin. Dans leur monde, tout est possible, rien ne
semble freiner leur originalité. Dans cette première partie, on s’enivre de la joie de vivre. Le
courrier s’entasse. Comme le petit Prince ou Peter Pan, on accorde peu d’importance aux
choses sérieuses. Ils vivent confortablement de quelques arrangements, en marge de la vie
ordinaire. Le film aborde la folie sous deux points de vue, celui du père et celui du fils. Dans
un premier temps, elle n’est que fantaisie, originalité, sans barrière, sans frontière. On vit
comme on aime, avec excès, dans une valse à mille printemps. La deuxième partie, vue par
Gary, change peu à peu de ton. La vie de toutes les fariboles devient plus glaçante. Le monde
bascule par petites touches de la fantaisie à la folie. Georges est un être fantasque, il connaît
ses limites. Il franchira le point de non-retour par amour, jusqu’à plus soif. Camille est habitée

par la folie et passe par des phases de bonheur extrême, basculant d’un coup dans le gouffre
de la dépression.
« Le problème, c’est qu’elle perdait complètement la tête. Bien sûr, la partie visible restait sur
ses épaules, mais le reste, on ne savait pas où il allait. » Olivier Bourdeaut. (En attendant
Bojangles).

C’est sous le regard d’un enfant que se dévoile cette maladie. Un regard d’impuissance, le
père et le fils tenteront tout pour ramener la mère dans le chant du monde. L’oiseau,
Mlle Superfétatoire, en est la métaphore, exemple parfait entre liberté et folie. Sa disparition
marque un point de non-retour, de passage dans le film. C’est cette descente qu’explore le
film sur une ligne difficile. Elle n’est jamais un sujet facile, à l’image de la maniaco-
dépression, nous passons vite d’un excès à un autre. Régis Roinsard réussit le difficile
équilibre de la fantaisie, de la réalité sous le poids de la folie et de la tempête emportant le
cœur des vivants dans un monde inaccessible. L’amour, sentiment déplaçant les montagnes,
s’avère impuissant face à sa comparse la folie. L’enfant ne semble pas voir cet ouragan qui
emporte la famille. À l’inverse, Georges s’aperçoit très vite que Camille n’est pas sous
l’emprise de l’originalité. Tous les deux ne sont pas dans le déni, mais dans le refus de laisser
la folie l’emporter. Ils luttent à leur façon, jusqu’au bout. Une fois de plus, Virginie Efira
pousse ses limites avec ce rôle difficile. La scène de fin est un beau choix pour clore une
histoire où chacun finit par se perdre. Vous retrouverez tous les livres d’Olivier Bourdeaut,
sur le même ton, Pactum Salis, Florida aux éditions Finitudes, dont une remarquable
variation d’En attendant Bojangles, illustrée.

Patrick Van Langhenhoven

Fiche technique
Titre original : En attendant Bojangles
Réalisation : Régis Roinsard
Scénario : Romain Compingt
Musique : Clare et Olivier Manchon
Décors : Sylvie Olivé
Costumes : Emmanuelle Youchnovski
Photographie : Guillaume Schiffman
Son : Pierre Mertens
Montage : Loïc Lallemand
Production : Olivier Delbosc et Jean-Pierre Guérin
Coproduction : Bastien Sirodot et Cédric Iland
Sociétés de production : Curiosa Films et JPG Films ; France 2 Cinéma, Orange Studio,
Studiocanal et UMedia (coproductions)
Société de distribution : Studiocanal
Pays de production : France /Belgique

Langue originale : français
Format : couleur
Genre : drame
Durée : 124 minutes
Date de sortie : 13 octobre 2021 ( Festival international du film de La Roche-sur-Yon)

5 janvier 2022
Distribution
Romain Duris : Georges
Virginie Efira : Camille
Grégory Gadebois : Charles
Solàn Machado-Graner2 : Gary

Interview :
Le réalisateur Régis Roinsard : « je ne m’intéressais pas à la folie avant de lire le roman
d’Olivier Bourdeau. J’ai peur de ce sujet. J’ai eu du mal à voir « Vol au-dessus d’un nid de
coucou ». Mais après la lecture du roman, je suis allé visiter un musée de la psychiatrie pas
loin d’Evreux. Ensuite j’ai essayé de filmer non pas la folie de la mère, mais le ressenti du petit
garçon et du père interprété par Romain Duris. Je n’ai pas pu utiliser la chanson de Nina
Simone car les droits étaient trop chers ! »
Romain Duris : « Je n’ai pas lu le livre avant et je n’ai pas eu envie de le lire après. Je
souhaitais être plus concret, plus direct. On me dit souvent que mon personnage est proche de
celui de « L’écume des jours ». Je n’y avais pas pensé. Mais c’est vrai que c’est la même
époque. Le même mélange de fantasque et de folie. La même ambiance jazz »
Virginie Efira : « A moi l’on me demande qu’elle est la ressemblance entre ce personnage et
celui de Benedetta. Je dirais que ce sont deux femmes qui ne se limitent pas à l’identité qui
leur est donnée. Bien sûr qu’un psy y verrait des points communs. Les deux sont aussi des
rôles très physiques pour lesquels l’on ne peut pas s’embarrasser de pudeur ! Pour Bojangles il
fallait en outre passer de l’exaltation à la grande mélancolie. Mais il en va parfois ainsi quand
on aime trop la vie ! »
Merci à Marie Aimée pour la transcription.

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