LE SOLDATESSE

Genre: Guerre
Pays: Italie
Durée: 2h
Réalisateur : Valerio Zurlini
Acteurs: Mario Adorf, Marie Laforêt, Anna Karina

Le lieutenant Gaetano Martino, en fin de permission en Grèce, retourne en Albanie rejoindre
son poste. Il est chargé de fournir les bordels le long de sa route. C’est bien malgré lui qu’il
accepte la mission. Pour nourrir leur famille, des jeunes filles grecques affamées se prostituent
contre de la nourriture. Il est accompagné du sergent Castagnoli, un Toscan sympathique et
d’une chemise noire, le major Alessi. Gaetano Martino découvre peu à peu l’âme des jeunes
femmes et plus particulièrement celle de la belle Eftikia qui fait battre son cœur. La longue
route est l’occasion pour le jeune lieutenant de comprendre qu’il ne transporte pas des objets
anonymes, mais des âmes. Il prend conscience de cette guerre et de la folie d’un Mussolini se
prenant pour Hitler dans son rêve d’expansion.
Valerio Zurlini est un réalisateur discret et méconnu, pourtant il réalise deux œuvres majeures
Le professeur avec Alain Delon et Le désert des Tartares adapté de Dino Buzzati. En plein
âge d’or du cinéma italien et dans la lignée du néo-réalisme, son œuvre mérite d’être
redécouverte. Elle est souvent empreinte d’une certaine mélancolie, de tristesse, voire de
désillusion. Valerio Zurlini, de 1955 à 1976, tourne huit longs métrages dans une période
intense du cinéma italien. Cette petite production s’explique par son intransigeance. Il
n’accepte aucune concession et se montre parfois peu commode. Nous retrouvons chez lui
certaines caractéristiques du néoréalisme, l’aspect documentaire, la collectivité plus
importante que l’individu, la critique de l’autorité et un regard social sur la société. Ce sont
les thématiques parcourant Des filles pour l’armée (Le Soldatesse en vo). Ces jeunes filles
perdues obligées de se prostituer pour survivre forment un groupe solidaire. C’est un film
féministe dénonçant un certain machisme et la condition de la femme en général. Elles ne sont
que du bétail, des objets livrés à la brutalité des soldats, comme cette jeune fille que l’on
maquille comme une poupée Barbie. C’est ce que dénonce Valerio Zurlini à travers le regard
du lieutenant et des dialogues pertinents. « Repos. Ici il n’y a ni supérieur ni subalterne. Rien
que des porcs, messieurs les officiers. » Nous dit un colonel entrant dans le bordel. Les filles
sont une métaphore de la Grèce jetée à terre, soumise aux exactions de l’armée italienne et
plus particulièrement des chemises noires. C’est un des rares films volontairement
antifasciste. Le film doit beaucoup à ses actrices, Marie Laforêt, remarquable Eftikia, Anna
Karina et Lea Massari. C’est autant de portraits de femmes différentes, profondes, incarnées
avec subtilité par les actrices. Comme chez Pasolini, nous découvrons une approche
évangélique, communiste et antifasciste. Dans ce sens, nous pouvons les voir à l’image de
cette veillée funèbre, moment magnifique, comme des madones sacrifiées. Valerio Zurlini
dénonce l’absurdité de la guerre, la folie des hommes, l’orgueil de Mussolini et la
marchandisation humaine. Olivier Père, dans le dossier de presse, voit le voyage comme un
chemin de croix. La réalisation s’appuie sur le jeu des comédiens et comédiennes, dans une

symbolique simple, le sens du dialogue et de l’image inspirée. Le Soldatesse est l’occasion de
sortir de l’ombre l’œuvre de Valerio Zurlini qui mérite de retrouver sa place dans l’histoire du
cinéma en général.

Patrick Van Langhenhoven

Fiche technique
Titre original italien : Le soldatesse
Titre français : Des filles pour l'armée
Réalisation : Valerio Zurlini
Scénario : Piero De Bernardi, Leonardo Benvenuti, Franco Solinas, d'après un roman de
Ugo Pirro
Musique : Mario Nascimbene
Photographie : Tonino Delli Colli
Cadreur : Dario Di Palma
Montage : Franco Arcalli (it)
Pays de production : Italie
Langue originale : italien
Genre : Film dramatique, Film de guerre
Durée : 120 minutes
Dates de sortie : 31 août 1966 – 20 juillet 2022
Distribution
Anna Karina : Elenitza
Lea Massari : Toula
Marie Laforêt : Eftikia
Tomás Milián : Gaetano Martino
Mario Adorf : Castagnoli
Valeria Moriconi : Ebe
Aleksandar Gavric : Alessi
Rossana Di Rocco : Panaiota
Milena Dravic : Aspasia
Guido Alberti : Gambardelli
Récompense :
Festival international du film de Moscou 1965 : prix spécial

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