C’est une histoire simple aux couleurs de l’Amérique, comme elle est seule peut en produire. Une jeune
fille sans histoire d’Augusta, professeur de yoga, qui aime les animaux, se retrouve dans une situation
surréaliste. Elle traduit des documents confidentiels pour l’Armée de l’air américaine, travaille pour un
bureau local de la puissante National Security Agency, la fameuse NSA. Alors qu’elle rentre de ses
courses, un jour ordinaire, deux hommes l’abordent et lui posent tout un tas de questions. Ils lui montrent
rapidement leurs cartes d’agents du FBI, lui demandent de sortir sa chienne de la maison et la chatte sous
le lit pour la sécurité des agents. C’est le début d’un dialogue parfois kafkaïen, qui finit par son arrestation
et son emprisonnement.

C’est en découvrant dans la presse la transcription de cet interrogatoire que la réalisatrice voit le potentiel
d’un récit. Elle en tire d’abord une pièce de théâtre qui connait un énorme succès et débouche sur Reality.
C’est un huis clos habilement filmé, jouant entre les images saisies dans une réalité complexe, des
documents réels, et des dialogues frôlant l’absurde. Ce qui frappe, c’est le déploiement de personnel
nécessaire à l’arrestation d’une jeune fille condamnée pour la transmission de documents expliquant
comment les hackers russes tentèrent de manipuler l’élection de 2016, aboutissant à la victoire de Donald
Trump. C’est un autre visage d’une Amérique décidément de moins en moins compréhensible depuis son
élection.
Les échanges reprennent. Le véritable interrogatoire commencé sur le pas de la porte continue et
s’achèvera dans une pièce de la maison de Reality Winner. Il commence comme une discussion entre
voisins, anecdotique, sur la vie d’une jeune fille née aux portes du troisième millénaire. Peu à peu, il glisse
doucement, comme une patineuse artistique sur une autre figure, sans jamais emprunter la voie de la
violence. Isolés dans la pièce du fond, le questionnement se poursuit avec le ballet des agents qui s’agitent
dans les pièces, fouillant, mettant à nu une vie. La caméra saisit les visages, plans serrés sur Reality,
appuyée contre le mur, déjà victime, déjà condamnée. Le film mélange des images des réseaux sociaux,
de famille de la vraie Reality.
C’est impressionnant, froid comme la lame du scalpel du médecin enlevant une tumeur, un Ennemi de
l’état. Les deux agents qui mènent l’interrogatoire pourraient être les pères de cette jeune fille entrainée
dans un dialogue du dimanche à midi quand la famille se réunit. Sydney Sweeney, la jeune actrice est
remarquable dans un jeu minimaliste, intérieur, montrant la détresse d’une jeune fille perdue qui pensait
peut-être défendre son pays par son geste. Elle sera la première condamnée en application de l’Espionage
Act sous la présidence de Donald Trump. C’est la plus longue peine à ce jour pour avoir fait fuiter des
documents. Elle est sortie de prison pour bonne conduite, sans pardon, ni mesure compassionnelle, en
2021.

Fiche technique
Titre original : Reality
Réalisation : Tina Satter
Scénario : Tina Satter et James Paul Dallas
Musique : Nathan Micay
Décors : Tommy Love
Costumes : Enver Chakartash
Photographie : Paul Yee
Montage : Ron Dulin et Jennifer Vecchiarello
Production : Brad Becker-Parton, Greg Nobile, Riva Marker et Noah Stahl
Production déléguée : Ellyn Daniels, Will O’Connor, Daniel Ginsberg, Bill Way, Elliott Whitton, Eva
Maria Daniels, Andrew Beck, Tina Satter et Philipp Engelhorn
Coproduction : Rita Walsh
Sociétés de production : Seaview Productions, Burn These Words, 2 Sq Ft, Cinereach, Fit Via Vi Film
Productions et Tanbark Pictures
Société de distribution : Metropolitan Filmexport (France)
Pays de production : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur — 2,00:11
Genre : drame biographique
Durée : 82 minutes
Dates de sortie : 16 août 2023

Distribution
Sydney Sweeney (VF : Elsa Davoine) : Reality Winner
Josh Hamilton : agent Garrick
Marchánt Davis (en) : agent Taylor
Benny Elledge : Joe (homme inconnu)
John Way : un agent du FBI

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