Depuis la mort de sa femme, Pierre, cheminot élève ses deux fils comme il le peut. Louis,
après de brillantes études, s’apprête à rentrer à science Po à la Sorbonne. Félix, surnommé
Fus, se destine à un métier plus proche de son père. Pierre est fier de ses deux fils et de leurs
parcours différents. Pourtant, dans l’ombre, peu à peu, Fus glisse vers un choix opposé à tout
ce que son père a tenté de lui inculquer. Depuis un moment, il fréquente une bande
d’extrémistes qui l’entraine sur des territoires nourris par la haine et la violence. Pierre tente
de renouer les liens qui éclatent. La confiance d’hier vole en éclats. Les voilà confrontés au
monde des adultes mais pourtant, pour lui, ils ne sont encore que ses enfants. C’est la descente
dans un pays où seules les ténèbres et le mal forment une route qui ne peut que s’achever en
enfer. Démuni, Pierre ne sait comment raisonner son fils. Comment faire face à cette tempête
remettant tout en cause. Il s’interroge sur cet instant qu’il n’a pas vu, le moment où il n’a pas
su agir. C’est tout le désarroi, la violence, l’ignorance de ce que Fus espérait trouver, quitte à
aller contre les valeurs paternelles. Car il le comprendra bien plus tard, il n’existe pas de
coupables, ni d’innocents, juste des victimes et l’amour broyé.
« La vie ne m’avait pas fait trop de cadeaux, mais j’avais deux gaillards qui s’aimaient bien.
Quoi qu’il arrive, l’un serait toujours là pour l’autre. » Ce qu’il faut de nuit, Laurent
Petitmangin.
Après 17 filles, Voir du pays, et Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie, les sœurs Coulin
adaptent le roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit. Nous retrouvons les mêmes
questionnements dans ces quatre films, la situation de la jeunesse, le groupe comme refuge et
comment l’ordinaire bascule vers l’impensable. Dans 17 filles, elles décident d’être enceintes
au même moment. Dans Voir du pays adapté du roman de Delphine Coulin, deux autres
reviennent de la guerre en Afghanistan et n’arrivent pas à échapper à la violence. Le
documentaire Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie raconte, à travers ses peintures et
textes, une vie à Berlin dans les années quarante avec la montée du nazisme. La violence de la
société n’est jamais loin dans ces récits, basculant comme Jouer avec le feu d’une vie
ordinaire à l’impensable. C’est le portrait d’un père face à son fils qui choisit la violence et la
haine.
Dans une mise en scène simple, à l’image du roman, nous suivons cette famille et la fracture
qui la conduit au chaos intérieur. Les sœurs Coulin captent un moment du roman, après la
mort de la mère, qui reste comme une ombre en toile de fond. On l’invoque comme une part,
un reste d’innocence qui n’accepterait pas ce basculement. Il me semble que ce qui intéresse
les réalisatrices, plus que le cheminement de Fus, c’est comment ce choix provoque un séisme
au sein de la famille. Chacun se sépare de l’image du père pour construire l’adulte qu’il sera
demain. Comment trouver sa place dans la société ? Louis se lance dans les études. Fus refuse
une vie qui ne lui convient pas, pour une autre qui risque d’être une impasse. Dans cette
partition, Vincent Lindon reste fidèle à ces figures de cinéma engagé, militant, dans un rôle
toute en retenue, jouant sur le fond.
Stefan Crepon reste celui qui tente de ne pas laisser cette tempête tout détruire, dans une

interprétation sobre et juste. Benjamin Voisin impressionne en composant un personnage
excessif, en lutte contre le père, à la fois lumineux et ambigu. Nous nous demandons sans
cesse s’il est conscient ou entrainé malgré lui dans une envie de trouver refuge dans un
groupe, en ignorant le prix à payer. En d’autres temps, en d’autres lieux, Daniel Balavoine
interpellait François Mitterrand sur un plateau télévisé. « La jeunesse se désespère, elle est
profondément désespérée parce qu’elle n’a plus d’appuis, elle ne croit plus en la politique
française […] le désespoir est mobilisateur et lorsqu’il devient mobilisateur il est dangereux et
que ça entraine le terrorisme… les jeunes vont finir par virer du mauvais côté parce qu’ils
n’auront plus d’autres solutions ». Extrait. C’est peut-être ce que veulent nous dire Delphine et
Muriel Coulin.


Fiche technique
Titre français : Jouer avec le feu
Réalisation et scénario : Delphine Coulin et Muriel Coulin d’après le roman Ce qu’il faut de nuit de
Laurent Petitmangin
Musique : Paweł Mykietyn
Décors : Yves Fournier
Costumes : Julia Dunoyer
Photographie : Frédéric Noirhomme
Son : Emmanuelle Villard, Titouan Dumesnil, Olivier Goinard, Lucien Richardson
Montage : Béatrice Herminie, Pierre Deschamps
Production déléguée : Olivier Delbosc, Marie Guillaumond
Production associée : Émilien Bignon
Production exécutive : Aude Cathelin
Société de distribution : Ad Vitam Distribution (France), Pathé Films AG (Suisse), Cinéart (Belgique)
Pays de production : France
Format : couleur — 2,39:1 — son 5.1
Genre : drame
Durée : 118 minutes
Dates de sortie : 22 janvier 2025
Distribution
Vincent Lindon : Pierre
Benjamin Voisin : Félix dit « Fus »
Stefan Crepon : Louis
Maëlle Poésy : l’avocate de Fus
Arnaud Rebotini : Bernard
Béatrice Pérez : la doyenne de la Sorbonne
Édouard Sulpice : Jérémy
Sophie Guillemin : Cathy
crédit photo : Photo 5 © 2024 Felicita – Curiosa Films – France 3 Cinema


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