LA COUR DES MIRACLES
Carine May – Hakim Zouhani


Une projection sur les barrières sociales, où l’abondance du béton en plan large s’oppose à la nature dans les mains des enfants.
C’est la rentrée des classes. Jacques Prévert, école perdue entre le béton et les travaux de la Seine-Saint-Denis, subit une nouvelle épreuve : Juste à côté se construit une résidence dernier cri. Alors que l’établissement aurait enfin pu recevoir un peu de budget, une nouvelle école pour parisiens fait
partie du chantier. Elle vient éloigner les futurs locataires de la « terrifiante mixité sociale”. Faisant face aux classes en manque de mobilier et à son équipe pédagogique qui ne paye pas de mine, Zahia, la directrice déterminée, n’est pas prête à laisser son école couler. Hors de question d’enfermer les enfants dans une bulle défavorisée.
Heureusement pour elle, Marion, toute nouvelle institutrice issue de la campagne, décide d’accompagner son enseignement par des sorties en espace vert. Dans un système éducatif en manque de professeurs,
les sorties scolaires sont normalement rares. Les enfants découvrent, -d’abord timidement-, puis adhèrent à l’apprentissage en extérieur. Sa classe apprend, lit, et se construit une éducation dans une ambiance concentrée, respectueuse, et amusante. A la surprise générale, l’idée est géniale. Cette connexion avec l’extérieur devient le plan de la directrice pour attirer les parents parisiens et leurs jeunes
: créer la première école publique verte.
Ce sera un défi pour chacun des professeurs, car tous viennent de milieux différents et ont une vision du monde bien à eux. D’un côté ou de l’autre, ils ont leurs travers et leurs préjugés. Mais ensemble, pour le
bien des enfants, il y aura toujours moyen de se débrouiller. Il y a autant à apprendre sur l’environnement social qu’à transmettre sur l’environnement naturel. Chacun des personnages correspond à un archétype. C’est un portrait de l’éducation nationale et une leçon de base sur la mixité. L’histoire est globalement enjolivée. Elle est ainsi accessible à un jeune
public. On commence la narration avec deux adultes, nouveaux enseignants, réduits à suivre en courant une écolière pour trouver le chemin vers l’école. Au cours du film, les actions de fond des jeunes guident les
adultes. On reconnaît toute l’équipe pédagogique rapidement. Que ce soit Saïd surveillant trop énergique ou M.Legros le chef d’administration trop près de la retraite. Chacun vient avec son expérience de ce qui ne va pas. Mais quand un changement est proposé en réunions internes, ils s’en
moquent avant-même de considérer l’idée. Qu’ils soient de droite, de gauche, citadins, petit surveillant ou directeurs. Ils n’osent pas sortir du cadre. Tous les partis échouent à comprendre que la culture de chacun et la nature ne font qu’un : La culture permet de voir le beau dans la nature.
Tout est mis en place par l’institutrice campagnarde qui, en échouant à s’intégrer dans les règles citadines, transforme sa différence en force. Les enfants profitent ainsi de l’émerveillement qui leur manquait dans ce qui les entoure. Alors tous; le réactionnaire qui ne s’intéresse pas, celui qui trouve que c’est aller trop loin, celui qui adhère mais qui ne sera pas là, et celui qui se veut bio à tous crins rejoignent le projet et apprennent. Heureusement que l’entente collective est possible pour faire vivre l’école.
C’est la structure donnée par les instituteurs venus de tous horizons qui gomme les distinctions dans les yeux extérieurs. La dichotomie, entre l’école du quartier avec les enfants joyeux aux origines franco-
étrangères et les maquettes 3D de la résidence avec les habitants virtuels d’une blancheur norvégienne, se répercute chez les parents.
Une parente d’élèves s’indignant au tout début du film : “ils sont où les élèves français, les vrais, les blonds’’ avait en tête des facteurs de réussite scolaire. Cependant elle dit dans cette phrase qu’elle ne voit pas ses enfants en vrais français. Ce n’est pas un hasard si dans la seconde moitié du film, le petit garçon muet retrouve miraculeusement la voix pour dire une seule phrase: “ Vous ne pouvez pas les faire partir, c’est ici leur maison”.
Il parle bien sûr des poules de son projet dans l’école verte en passe d’être renvoyées dans leur ferme.

Mais cette sortie de mutisme est le résultat de son apprentissage. C’est sa seule réplique. C’est une réponse indirecte à la ségrégation sociale. En effet, tous les élèves, franco-chinois, algériens, crépus et blonds, sont liés par l’éducation. C’est l’école qui maintient le lien social entre les cultures grâce à l’éducation des professeurs.


S.Durand.

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