« L’Amérique est le client le plus important. Il faut être prêt à tout faire pour préserver la
démocratie. » Roy Cohn
Le jeune Donald Trump accompagne son père dans le marché de l’immobilier. Ils seront
bientôt en procès avec le gouvernement pour avoir refusé l’accès à leur appartement à la
communauté afro-américaine. Pour l’instant Donald récupère les loyers, c’est pour lui une
mission en dessous de ses capacités. Le jeune homme, dans l’esprit d’entreprise du rêve
américain, souhaite redonner tout son clinquant à un vieil hôtel en ruine à Manhattan, un
bouge de New-York gangrené par la criminalité. Il lui faut convaincre son père de
l’opportunité et trouver des associés convaincus. Autant vous le dire tout de suite, c’est perdu
d’avance. Le jeune homme a de l’ambition et est prêt à sceller un pacte avec le diable, comme
Faust. Il trouve le mentor diabolique parfait en la personne de Roy Cohn, l’avocat
décomplexé faiseur de rois. Ce dernier perçoit, sous le jeune homme gauche, une créature à
façonner à son image pour atteindre les plus hauts sommets. C’est à cette transformation que
nous allons assister jusqu’à ce que l’élève dépasse le maitre. Encore plus terrifiant, il devient
Donald Trump, le porteur des idées de Roy Cohn d’une Amérique raciste plus que
conservatrice.

Ali Abbasi plonge de nouveau dans la noirceur de l’âme pour dévoiler la construction du
système Trump. Nous pensons au pacte de Faust dans sa relation avec l’avocat de la mafia qui
lui inculque trois règles pour gravir les échelons du pouvoir.
Règle n°1 : Attaquer. Attaquer. Attaquer.
Règle n°2 : Ne rien reconnaître. Tout nier en bloc.
Règle n°3 : Revendiquer la victoire et ne jamais reconnaître la défaite.
C’est toute la stratégie de Donald Trump que celui-ci s’efforcera de peaufiner au fil des
années jusqu’en 2016 et son accession à la présidence. Le film se concentre sur les débuts
d’un agent immobilier visionnaire à l’esprit de camelot, bonimenteur. Il sait séduire et
entrainer dans ses ambitions de nombreux financiers, redonner vie à un quartier pauvre de
Manhattan. C’est la folie des grandeurs avec la Tour Trump au hall de marbre et sa fontaine
d’eau la plus haute. « Roy lui a appris à utiliser les médias en lui expliquant que faire parler
de soi aux infos était un moyen d’obtenir du pouvoir ».

Il réussit à rebondir et donner l’illusion, malgré la faillite, qu’il n’est jamais à terre. Ce sont
aussi ses relations complexes avec son père qui finira par reconnaître en son fils un digne
successeur. Il n’a aucun état d’âme, comme le lui a appris son mentor. C’est du travail à

l’ancienne, intimidation, dossier compromettant, chantage, tout est bon pour ne jamais fléchir.
Dans ce labyrinthe du pouvoir, le duo avance, fracassant les murs pour arriver plus vite en son
centre. Peu à peu, le jeune homme prend de l’assurance et s’émancipe de son pygmalion pour
affronter l’Amérique qu’il souhaite relever dans la lumière. Nous avons l’impression que cette
démesure qui s’annonce frôle le chemin de la folie ou d’un jeu subtil au service d’un
manipulateur. Comme le dit la productrice : « Roy a toujours cherché à soumettre la réalité à
sa vision du monde, mais il n’était pas le mieux placé pour imposer cette volonté ».
C’est ce que réussit à faire Donald Trump aujourd’hui. La question est de savoir si cela peut
durer encore longtemps. Est-ce qu’il existe un abysse à ne pas franchir, un instant quand la
bête acculée ne peut plus échapper à ses contradictions ? Ali Abbasi sonde avec talent l’âme
de la créature comme celle du tueur des Nuits de Mashhad. Dans cette histoire, il y a de la
créature de Frankenstein échappant à son créateur, des mythes shakespeariens et peut-être
demain de la tragédie. Ali Abbasi nous dit : « Je voulais écrire des personnages de chair et de
sang, complexes, faillibles, surprenants, agaçants, tout comme d’authentiques êtres humains
». Il a réussi complètement son pari. Le film doit beaucoup à ses deux acteurs principaux,
Sebastian Stan remarquable dans la peau de Trump et Jeremy Strong dans celle de Roy Cohn.
La musique tonitruante accompagne cette mégalomanie sans faille, nous aidant à mieux
comprendre que le bouffon n’est peut-être pas si fou, le dernier plan annonçant le Trump
d’aujourd’hui.


Fiche technique

Titre original et français : The Apprentice
Titre québécoise : L’apprenti1
Réalisation : Ali Abbasi
Scénario : Gabriel Sherman (en)
Musique : Martin Dirkov
Décors : Aleksandra Marinkovich
Costumes : Laura Montgomery
Photographie : Kasper Tuxen
Montage : Olivier Bugge Coutté et Olivia Neergaard-Holm
Production : Daniel Bekerman, Julianne Forde, Jacob Jarek, Louis Tisné et Ruth Treacy
Production déléguée : Amy Baer, Lee Broda, Greg Denny, Niamh Fagan, Phil Hunt, Grant S.
Johnson, Josh Marks, Emanuel Nunez, Mark H. Rapaport, Compton Ross, Thorsten Schumacher,
James Shani et Gabriel Sherman
Coproduction : Neil Mathieson, Ditte Milsted, Matt Philip Whelan et Nima Yousefi
Sociétés de production : Scythia Films, en coproduction avec Profile Pictures et Tailored Films, en
coproduction exécutive avec Hidden Media et Kinematics4
Sociétés de distribution : Briarcliff Entertainment (États-Unis), Mongrel Media (Canada), Nordisk

Film (Danemark) et StudioCanal (Irlande) ; Métropole Films (Québec)1, Metropolitan FilmExport
(France), The Searchers (Belgique)
Pays de production : Canada, Danemark, États-Unis, Irlande
Langue originale : anglais
Format : couleur
Genre : biographie, drame, historique
Durée : 120 minutes
Dates de sortie5 : 20 mai 2024 (festival de Cannes) 9 octobre 2024
Distribution
Sebastian Stan (VF : Axel Kiener ; VQ : Philippe Martin) : Donald Trump
Jeremy Strong (VF : Jérémie Covillault ; VQ : Antoine Bertrand) : Roy Cohn
Maria Bakalova (VF : Macha Petina) : Ivana Trump
Martin Donovan : Fred Trump
Catherine McNally : Mary Anne Trump
Charlie Carrick : Fred Trump Jr.
Ben Sullivan : Russell Eldridge
Mark Rendall : Roger Stone
Iona Rose MacKay : Mary Trump
Emily Mitchell : Ivanka Trump
Patch Darragh : Daniel Sullivan
Michael Hough : Kinney
Chloe Madison : Fancy
Eoin Duffy : Tony Schwartz
Stuart Hughes : Mike Wallace
Joe Pingue : Anthony Salerno (en)
James Downing : Walter

Publications similaires