UNE FEMME DU MONDE

Genre: Drame
Pays: France
Durée:1h35
Réalisateur : Cécile Ducrocq
Acteurs: Laure Calamy, Nissim Renard, Béatrice Facquer

Elle arpente le bitume, un coin de rue sans amertume. Elle ne cherche pas à décrocher la lune,
juste un peu de thune. Elle vend son corps pour quelques sous. Défilent dans sa vie les clients
de passage, les réguliers sages, les opportunistes de la baise. Ils sont vieux, jeunes, novices,
grands seigneurs du sexe, maladroits, habiles, fascinés, faciles, débiles. Elle arpente le bitume,
ne fera jamais fortune. Sans rancœur, elle accroche quelques cœurs à sa galerie des Glaces. Le
soir elle ôte ses habits de putain pour ceux plus convenables de mère. Sa lumière, son phare
dans la nuit, c’est lui, le sacripant devenu jeune homme. Renvoyé de partout, il ne lui reste
plus que l’école privée. Elle est prête à tout pour lui donner un avenir meilleur, comme toutes
les mères. Elle est prête à franchir la ligne, devenir voleuse, tapineuse au rabais dans un
monde qui se fout de tout. Elle creuse l’écart avec ce fils qui ne comprend rien et continue ses
insubordinations. À la fin, il n’y aura ni vainqueur ni perdant, juste le temps qui répare, mais
n’efface pas la douleur. À la fin, il y aura peut-être un fils qui retrouve le cœur de sa mère.
Cécile Ducrocq nous livre un beau portrait de femme soutenu par une actrice qui monte.
Après son âne au cœur des Cévennes, c’est un fils au cœur de la ville dans l’âme de la putain.
Elle questionne le plus vieux métier du monde, les prêtresses du temple de Babylone
devenues, avec les siècles, des moins que rien. Elle montre dans cette tempête de l’existence,
la force, la noblesse du sacrifice. Elle est souvent considérée comme l’intouchable d’une
société bien-pensante. Elle accepte son sort. C’est son choix, sa vie. Elle ira jusqu’à franchir
la ligne, commettre des actes irréparables pour sa réussite. Elle trahira sa bonne conscience
pour un fils. Nous pénétrons dans son quotidien, infirmière des paumés du sexe. Cécile
Ducrocq trace, à travers son parcours, les différentes manières de vendre son corps. Il y a les
esclaves, prisonnières du labyrinthe aux mains de types sans scrupules, celles qui choisissent,
et les maisons closes et leurs pensionnaires au sort peu enviable. On ne fera jamais fortune
dans ce monde de l’ombre. La route s’étiole entre des relations houleuses et une vérité
blessante pour le fils. Sa mère est une putain ! Au bout se dévoilent enfin les choix de vie
pour elle et lui. Elle retournera à son métier, dans une ronde sans fin. Il gagne bien plus, un
horizon meilleur et le cœur d’une mère qu’il finit par comprendre. Le film ne se veut pas
complaisant ni misérabiliste, il veut juste décrire la vérité d’une mère comme les autres. C’est
une page de plus au grand livre de ces femmes souvent déconsidérées, mal aimées, exploitées.
Cécile Ducrocq choisit une mise en scène sans fioriture, entre ombre et lumière, pour un
parcours semé d’embûches. Laure Calamy montre une autre facette de son talent qui, comme
la petite bête, monte de film en film. C’est une belle tranche de vie qui éclaire un sujet
souvent polémique. Elle choisit un angle social et volontaire, s’inscrivant dans la longue
tempête de l’incompréhension mère et fils.

Patrick Van Langhenhoven

Interview

Drôle d’endroit pour une rencontre : L’actrice, qui incarne une prostituée dans Une femme du
monde, attend CL à l’hôtel Souquet, une ancienne maison close près de Pigalle.

Jupe en cuir très courte, bas noirs et verbe haut, Laure Calamy est confortablement installée
dans un canapé en velours cramoisi. Autour d’elle, les lampes sont tamisées d’abat- jours aux
mêmes tons. On n’y voit pas grand-chose ! Mais l’actrice – remarquée dans Dix pour cent et
césarisée pour Antoinette dans les Cévennes – est là où elle doit être pour parler d’Une femme
du monde : Un ancien bordel en face du Moulin Rouge, reconverti en hôtel de luxe.

Après le périple écolo dans les Cévennes, vous voilà plongée dans le milieu urbain de la
prostitution !

Je n »ai peur de rien et j’adore changer d’univers. Ce que j’ai aimé dans le personnage de
prostituée proposé par Cécile, (Ducrocq, la réalisatrice) c’est qu’elle n’est ni une victime ni une
escorte glamour. C’est une battante, une indépendante qui aime son métier et qui le fait pour
financer l’école hôtelière de son fils. « Fière d’être pute » comme elle le clame avec ses
camarades du STRASS (syndicat du travail sexuel).

Cela reste pourtant un métier singulier et dangereux…

Bien sûr qu’il y a une violence. Mais je crois que le problème est aussi ailleurs. Dans la
clandestinité, le manque de droits, l’absence de protection dans l’espace public. Et puis l’on est
bien d’accord que la prostitution libre, sans proxénète ni réseau, n’a rien à voir avec celle où
les filles sont réduites en esclavage. En Suisse, les prostituées ont beaucoup plus de droits. Si
elles ont un problème avec un client, les flics arrivent.

N’y-a-t-il pas chez vous une volonté féministe de défendre la figure d’une prostituée
libre et indépendante ?

Tout à fait ! Au cinéma parmi mes films préférés il y a Mamma Roma de Pasolini ou Les
nuits de Cabiria de Fellini. En 2004 j’ai aussi découvert Griselidis Réal (écrivaine, peintre et
prostituée suisse). J’ai lu tous ses ouvrages. Au départ, elle se prostituait pour élever seule ses
trois enfants et petit à petit, elle est devenue militante d’une profession qui lui permet
d’observer la société. Pour elle, la prostitution est devenue du soin à la personne et parfois un
véritable échange de tendresse.

Vous dites qu’en tant qu’actrice, vous n’avez aucun problème avec votre corps.

J’ai eu beaucoup de complexes à l’adolescence, mais à l’écran, je préfère montrer mes fesses
que mon âme. La nudité ne me gêne pas. Ni les scènes de sexe. Je n’ai pas de tabou. On en
rigole beaucoup entre nous avant de les tourner. Surtout quand il faut utiliser des prothèses !

Votre carrière a décollé depuis la série Dix pour cent. Comment le vivez-vous ?

J’ai 46 ans. J’ai beaucoup travaillé avant d’en arriver là. Désormais, je prends les choses
comme elles viennent. Si je tourne beaucoup en ce moment, c’est que je ne sais pas dire non à
une belle histoire.

Merci à Marie Aimée pour la transcription de cette rencontre.

Fiche technique
Titre original : Une femme du monde
Réalisation : Cécile Ducrocq
Scénario : Cécile Ducrocq
Musique : Julie Roué
Décors : Catherine Cosme
Costumes : Ariane Daurat
Photographie : Noé Bach
Montage : Sophie Reine
Production : Stéphanie Bermann et Alexis Dulguerian
Sociétés de production : Domino Films, Année Zéro et France 2 Cinéma
Société de distribution : Tandem
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur — 2,35:1
Genre : Drame
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : 6 septembre 2021 (Deauville) 8 décembre 2021

Distribution
Laure Calamy : Marie
Nissim Renard : Adrien
Béatrice Facquer : Camille
Romain Brau : l’avocat
Diana Korudzhiyska : Tatiana
Amlan Larcher : Awa
Valentina Papic : Encarna
Sam Louwyck : Bruno

A lire également