Genre : Comédie

Pays: France

Durée : 1h07

Yannick n’est pas content. Il a pris sa soirée pour venir se détendre et voir un spectacle qui lui remonte le moral. Depuis une demi-heure d’un vaudeville ennuyeux, cette histoire de cocu lui donne l’impression que le cocu c’est lui. Après toute la peine qu’il s’est donnée pour venir, il mérite mieux que cette histoire insipide. Yannick va faire ce que tout spectateur rêve au fond de lui-même quand le film, la pièce, le concert est mauvais. Il prend les comédiens, la salle en otage et décide même d’aller plus loin. C’est à cet instant que la soirée devient bien plus marrante en partant en vrille. Pour Nietzsche : “L’essentiel dans l’art, c’est qu’il parachève l’existence, c’est qu’il est générateur de perfection et de plénitude. L’art est par essence affirmation, bénédiction, divinisation de l’existence” (La Volonté de Puissance) Nous avons tous rêvé de nous lever en plein spectacle pour marquer notre mécontentement. C’est ce que Quentin Dupieux nous propose dans son dernier opus qui, de plus en plus, choisit l’improbable comme réalité. On est toujours pour le fond dans l’esprit du pneu qui file et crée un tas de catastrophes. La forme reste toujours celle du surréalisme, de l’absurde. Elle sert à nous interpeller sur un monde qui ne tourne pas rond. Depuis Le Daim, Incroyable mais vrai, Fumer fait tousser, le ton est moins à la rigolade qu’à l’inquiétude sur un monde qui, comme Yannick, part en vrille. Je n’oserais pas dire plus sérieux. Derrière le rire, ces farces, dans l’esprit du cinéma belge, de Bertrand Blier, de Tati, Gondry ou Dupontel et bien d’autres, servent un propos plus profond derrière le masque. Pour Simone Weil : « Une œuvre d’art a un auteur, et pourtant, quand elle est parfaite, elle a quelque chose d’essentiellement anonyme. Elle imite l’anonymat de l’art divin. Ainsi la beauté du monde prouve un Dieu à la fois personnel et impersonnel, et ni l’un ni l’autre. » Yannick, tourné en six jours, écrit pour Raphaël Quenard, nous interpelle d’abord sur la création, l’art en général et la relation spectateurs et comédiens. Yannick est un jeune homme simple, venu pour se détendre, se remonter un moral en berne et repartir heureux. On peut sortir d’un mauvais film, changer de chaine à la télévision, mais dans un théâtre, partir devient moins évident. Parfois c’est le spectateur qui est pris en otage ! Le débat sur ce que l’on attend d’une pièce, d’une œuvre d’art est ouvert et assez subjectif. Le reste de la salle ne semble pas porter le même regard. (Attention, spoiler !) Dans un second temps, Yannick décide d’écrire une petite pièce tout aussi mauvaise, bien plus rigolote. Derrière, se cache la notion de l’auteur, de l’art réservé à une élite formée dans de grandes écoles ou quelque chose de bien plus indéfinissable. A l’heure d’internet, et des écrivains sortis de l’ombre, la question se pose. Le résultat est parfois aussi ennuyeux et mal écrit que Le Cocu (titre de la pièce originale, dans le film). Il peut aussi révéler des talents méconnus. « Qu’est-ce que l’art ? » vaste question aux réponses nombreuses et diverses. Léon Tolstoï lui consacre un ouvrage et dit : « L’art n’est pas une jouissance, un plaisir, ni un amusement : l’art est une grande chose. C’est un organe vital de l’humanité, qui transporte dans le domaine du sentiment les conceptions de la raison. » C’est un vaste programme… En attendant, vous pourrez toujours prendre plaisir à l’art particulier de Quentin Dupieux, qui reviendra en novembre pour bousculer une fois de plus nos petits neurones et nos sens.

Fiche technique

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