L’art du NFT
Sur la base de NFT-talk, avec:
Lucie-éléonore Riveron (co-fondatrice de la maison fauveparis, ayant effectué la 1ere vente nft aux enchères.)
Dominique moulon, (historien de l’art, curateur d’art, enseignant et auteur du livre « art digital »)
Nico Arbogaste (collectionneur d’art contemporain et NFT;)
Kika Nicoletta, (artiste, réalisatrice de films, d’art numérique et curatrice d’exposition à Los Angeles.)
Dans l’art digital on parle beaucoup du NFT ou Non Fongible Token (jeton non remplaçable). Son
explosion en popularité grâce aux records d’enchères a offert une visibilité sans précédent à l’Art Digital.
Le NFT est un titre de propriété qui équivaut aussi à un certificat d’authenticité pour un fichier
numérique. On désigne donc en réalité des Oeuvres NFT. Animation, dessin, algorithme de création, gif,
tweet… Au-dessus de leurs polémiques monétaires qui ont fait couler beaucoup d’encre, leurs utilité a
réellement transformé notre façon d’aborder cette nouvelle forme d’art contemporain. Ils ont créé des
communautés et ouvert un sous-marché inédit. En ce moment même, ses plateformes continuent de
transformer les mentalités.
On peut jouir de l’œuvre sans la posséder. Aller visiter, prendre une photo, copier-coller une
image… En revanche, la propriété crée une origine. Elle offre une limite au nombre d’exemplaires. Elle
valorise le travail de l’artiste, et elle transmet cette valeur sur le marché de l’art. Alors, au-delà de la
texture physique, comment fait-on la différence entre la Mona-lisa de De Vinci et sa photo imprimée sur
un tot-bag? Le problème, vieux comme l’existence de la photographie, n’en est en réalité pas un. Si la
mère Michelle n’est pas propriétaire de la Joconde après en avoir acheté le portrait sérigraphié c’est bien
parce que l’originale se trouve au Louvre. Pour les œuvres NFT dématérialisées, c’est pareil. Une image
mintée, (avec son certificat NFT associée), ne peut appartenir qu’à son propriétaire. Généralement, au
wallet qui l’a mise en ligne ou à la personne qui l’a le plus récemment acheté. Pour en certifier
l’authenticité, les experts ne s’en vont pas aller gratter le pigment des pixels: il suffit de regarder la
‘’Block-chain”. Des petits blocs de données qui s’accumulent les uns après les autres après chaque
transaction. Si un titres de propriété NFT dicte à qui appartient une œuvre, la blockchain exhibe de façon
certaine toute son histoire. Ces lignes de codes sont visibles pour tous les utilisateurs concernés. Cela
permet de savoir d’où vient l’œuvre, qui l’a créée, par qui elle est passée: Elle enregistre toutes les
transactions qui lui sont affiliées. Ces fichiers sont accessibles immédiatement et sont immuables. Autre
avantage, la possibilité de suivre les transactions de bout en bout rend impossible la création de copies.
(Si il était possible de s’attribuer une image, de re-minter un fichier pour le dupliquer et le remettre en
circulation, ce serait hautement illégal, et il suffirait d’un coup d’œil à la blockchain pour savoir qui en est
responsable). S’ il existe plusieurs exemplaires d’une même image NFT, c’est que son créateur en avait
décidé ainsi. Un NFT n’est pas forcément une pièce unique, un one-one. Il peut aussi être une édition
limitée faisant partie d’un lot comme token 1/10 ou pourquoi pas 1/100. Il existe aussi des token sur une
plage de temps: à la fin du compte à rebours seul les éditions achetées du lot existent. Les NFT non
achetées se voient alors burn (brûlées, détruites).

Cette transparence révolutionnaire amène une relation de confiance. Il est fini le temps ou on
présentait une toile à ses amis dans son salon, surtout en omettant de mentionner le prix et comment on
l’avait obtenu. L’ensemble des transactions étant ouvert et collectif, ce collectif agit sur des plateformes
libres. Une plateforme fluidifie les échanges et connecte encore plus les gens. C’est une place de parole
complètement ouverte. L’art contemporain, comme celui de Bansky, aime le « show ». Les achats se
publient parfois sur twitter. On peut créer sa petite galerie personnelle ou simplement découvrir des

artistes en suivant le développement des collections. Les NFT autorisent la découverte donc par l’autre
et cœur de ce nouveau média c’est sa communauté autour. Il serait beaucoup plus rare dans l’art
traditionnel qu’un artiste présente un collègue avec une patte similaire à son collectionneur. Grâce aux
bases technologiques de notre époque, il est d’autant plus facile de présenter ses acquisitions à ses
amis. Un simple smartphone suffit pour accéder à ses fichiers lors d’une conversation de café.
Pour les artistes, les NFT permettent de vendre n’importe quel type d’art, même sans une place en
galerie, de chez eux ou au milieu de l’Amazonie. Cette avancée a bousculé la vie de plus d’un créateur.
D’autre part, pour la 1ere fois, c’est l’artiste qui décide du pourcentage de vente et de revente,
typiquement entre 5 et 25% du prix. Pour un smart-contract établi a 1⁄5 du prix, si l’acheteur décide de
revendre quelque soit la nouvelle valeur, 20% repart à l’artiste. Les « flippeurs », les collectionneurs qui
achètent pour revendre permettent ainsi un marché positif et soutiennent les artistes. Leur base de prix
fluctuante crée un marché secondaire qui bouge et qui vit de lui-même. En outre, cela rend plus
attractives les nouvelles œuvres des auteurs. Certains artistes découvrent des plateformes tellement
intéressantes qu’il en viennent à parfois négliger des expositions physiques.
Il faut dire que les possibilités sont multiples. La blockchain et les NFT sont des outils au même titre que
nos tablettes et ordinateurs; ils ne sont pas près de disparaître et la monnaie virtuelle non plus, cela fait
d’ailleurs plus de 50 ans qu’elle est une convention et il n’y a toujours pas de contradiction entre
l’utilisation d’argent virtuel et d’argent physique. La spéculation dans ce domaine représente
relativement bien les flux d’investisseurs intéressés. La technologie des blockchains est extrêmement
puissante, à l’image d’une révolution industrielle en cours. Que les nouveaux arrivants soient là pour
faire de l’argent ou profiter des chef-d’oeuvres, il n’y a pas de mauvais ou bon sens de faire évoluer
l’art. Ce qui est très important est de mixer les collectionneurs et de ne pas faire de barrières. Cette
évolution de l’art digital permet une rencontre entre deux générations et deux façons de le consommer.
Cela crée avant tout des ponts. Ceux qui aiment jouer avec l’économie attrapent autant le virus de
l’argent par l’art que celui de l’art par l’argent. Pourtant rentrer dans le milieu de l’art NFT est
surprenamment facile même pour les non initiés. On trouve tout type d’œuvres, certaines à quelques
Tezos (ꜩ), Bitcoin (₿) ou Ethereum(Ξ) que la dévaluation récente a rendu d’autant plus abordable. Il
suffit de créer son porte-monnaie virtuel et d’aller fureter sur objkt.com, de se tenir informer sur les
réseaux sociaux et en quelques contacts.
Aujourd’hui il y a encore un retentissement énorme à venir dans le milieu de l’art. Les changements
continuent depuis deux ans. Les dynamiques ne sont pas abouties et figées, ce n’est pas évident de
savoir quelle forme prioriser, de l’exposition à l’intérêt personnel en passant par le mécénat. Tout évolue
si vite que lorsqu’on prend le temps de s’intéresser au passage de l’art sur NFT ça ralentit déjà le
mouvement. Pour comprendre il ne suffit pas de s’intéresser aux commentaires, il faut mettre les mains
dedans. En faisant cela, on fait partie du monde de l’art vivant.
Il est encore difficile de savoir ce qui va perdurer dans le crypto-art, la lame de fond n’étant pas encore
passée. Ce certificat d’authenticité NFT vient à nous avec un nouveau paradigme du Web 3. (le web 1,
internet et le web 2 les réseaux sociaux). Maintenant que les galeries ont trouvé leur rôle dans l’art
numérique, en définissant les nouvelles tendances et les nouveaux artistes par rapport aux attentes des
créateurs, il reste à faire savoir que ce mouvement d’art contemporain prend de l’ampleur. Ce modèle
logique d’échange va continuer d’évoluer sur d’autres marchés. Demain, cette technologie de propriété
pourrait servir pour authentifier l’achat d’une maison ou identifier le propriétaire d’une voiture.
S.DURAND

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