GOLIATH

Genre: Drame
Pays: France
Durée: 2h02
Réalisateur : Frédéric Tellier
Acteurs: Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot

« Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux :
Un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour
arracher ce qui a été planté. » Ecclésiaste 3.
C’est un cercle qui se ferme, un silence qui s’enflamme, un amour finit rongé par le
glyphosate. C’est une jeune agricultrice en bout de lutte, en bout de bonheur perdu. Son geste
aura des conséquences, goutte d’eau jetée dans la tragédie de la vie aux cercles multiples.
France, professeur de sport, ouvrière la nuit, ne peut plus fermer les yeux sur son compagnon
dévoré par eux, les fabricants de ce poison destiné à l’agriculture. Patrick, avocat de l’ombre,
spécialiste du droit environnemental, accepte de défendre une cause qui semble perdue. Ils
sont comme David affrontant Goliath avec pour seule arme l’amour et une bonne conscience.
La route est longue et le géant fourbit ses armes, puis lance ses troupes à l’assaut. Mathias,
lobbyiste manipulateur, menteur, entame une partie d’échecs où chaque coup compte. Il faut
éviter un scandale qui pourrait nuire à la reconduction, par l’assemblée, du glyphosate. Les
premiers possèdent leur bonne volonté, de nombreuses victimes prêtes à ne rien lâcher. Pièce
par pièce, le dossier se construit pour que tombe dans la poussière le géant. Peu à peu,
Mathias fourbit ses armes, contre-attaque, transforme les données, masque les infos, trolle
avec ardeur pour que le Goliath se dresse encore debout et pour longtemps. C’est peut-être un
combat perdu d’avance pour les bonnes âmes fragiles. Mais les voies du Seigneur ne sont-
elles pas impénétrables ?
« Toute ressemblance n’étant “ni fortuite ni involontaire” » nous dit un carton du film.
De notre avis, confirmé par Frédéric Tellier, Goliath avec ses figures incontournables,
ressemble à une tragédie écologique antique. C’est le retour à un cinéma engagé comme celui
d’Yves Boisset, ou de Verneuil avec I comme Icare. Frédéric Tellier depuis L’affaire SK1, la
traque de Guy Georges, s’inscrit dans le cinéma-vérité. Suivront en 2018 l’excellent Sauver
ou périr, à chaque fois c’est une enquête minutieuse longue et complète. Dans Goliath, il nous
interpelle à travers trois figures, quatre avec la jeune fermière, sur le lourd dossier des
pesticides. La mise en scène au scalpel est sans appel et explore chaque recoin du dossier,
sans complaisance. C’est avec beaucoup de pédagogie qu’il nous dévoile les arcanes majeurs
et mineurs. Ces personnages deviennent une facette de ce labyrinthe, un miroir reflétant un
monde nocif à la porte de nos villes. Il n’oublie pas de donner une âme à ses personnages, de
jouer la carte des sentiments sans être larmoyant. C’est d’abord le petit bonheur éclaté de
Lucie, une jeune fermière et la mort de sa compagne. Elle se retrouve seule face à une falaise
à franchir. Le désespoir la conduira à l’inéluctable acte de la tragédie. France n’est pas en
direct avec les pesticides mais habite en bordure de champ. Son compagnon est atteint d’un
cancer dû à l’épandage des produits fournis par Phytosanis. Elle mène la bataille avec d’autres

voix, atteintes comme lui par le mal dans le même village. On ignore la nocivité de celui-ci
jusqu’au jour où il vous touche. Patrick, leur avocat, tente de constituer un dossier solide pour
faire vaciller, tomber avec beaucoup de chance, le géant. C’est un homme intègre refusant
toute compromission, prêt à aller jusqu’au bout. Tous ces personnages voudraient juste une
vie meilleure, ne pas craindre pour leurs enfants, leurs compagnons. Peu à peu, nous
découvrons l’ampleur du mal et l’argent qui se fout bien de l’humain. En face, Mathias a déjà
gagné un combat pour le lobby des diésels, faisant passer la voiture électrique en arrière-plan.
Il utilise sans scrupule toutes les armes dont il dispose pour gagner la lutte. Est-ce que l’on ne
finit pas par y perdre son âme ? Est-ce que l’on croit vraiment à ses mensonges, aux
tractations et manipulations ? S’il ne fait aucun doute sur les motivations des plaignants,
celles de Mathias sont plus obscures. Il offre un beau personnage à Pierre Niney tout en
nuance. Est-il convaincu par sa cause comme d’autres ? doute-t-il ? Toutes ces nuances, ces
colères s’affrontent pour que triomphe une vérité, mais laquelle ? C’est un cinéma que l’on
aimerait voir plus souvent, un genre incontournable aux Etats-Unis avec dernièrement
l’inquiétant Dark Waters de Todd Haynes en 2019.

Patrick Van Langhenhoven

Fiche technique
Titre original : Goliath
Réalisation : Frédéric Tellier
Scénario : Simon Moutaïrou et Frédéric Tellier
Musique : Christophe La Pinta
Décors : Nicolas de Boiscuillé
Costumes : Charlotte Betaillole
Photographie : Renaud Chassaing
Son : Antoine Deflandre
Production : Julien Madon
Société de production : A Single Man Productions
Sociétés de distribution : Studiocanal (France) ; Frenetic Films (Suisse romande), O'Brother
Distribution (Belgique), TVA Films (Québec)
Pays de production : France
Langue originale : français
Format : couleur
Genre : thriller3, drame
Durée : 122 minutes
Dates de sortie : 9 mars
Distribution
Gilles Lellouche : Patrick
Pierre Niney : Mathias
Emmanuelle Bercot : France
Laurent Stocker : Paul
Yannick Renier : Zef
Marie Gillain : Audrey
Jacques Perrin : Vanec

Malik Amraoui : Abel
John Paval : Thomas Moore

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