Michel Fourniret

Série : Les Sérial Killers

Scénariste : Jean David Morvan

Dessinateurs : Damien Geffroy, Facundo Percio, Arnaud Locquet

Coloriste : Arnaud Locquet

Edition : Glénat

Date de sortie : 24 Mars 2020

Les ogres n’existent pas que dans les contes. Ils errent dans nos rues à la recherche de leurs proies innocentes, sacrifiées aux démons intérieurs, souvent aux portes de la folie. Leurs victimes sont des petites filles d’espérance qui ne verront pas l’avenir. Elles n’ont même pas été insolentes, punies car elles ne furent pas sages. Elles étaient là au mauvais moment au mauvais endroit. Est-ce bien suffisant comme excuse pour apaiser la douleur ? Un couple maudit se forme au sortir de prison. Elle lui promet une vierge, il lui promet de tuer ses amants pour récupérer ses enfants. Un pacte est scellé, des tombes parsèmeront leur route. Entre la Belgique et la France, nous comptons environ 11 victimes connues pour combien passées sous silence ? Peu échapperont au couple démoniaque à l’esprit pervers, peu témoigneront de la noirceur de l’âme humaine. La police finit par arrêter la course folle en juin 2003. Depuis, Michel Fourniret purge une peine à vie. Monique Olivier est-elle une gamine dans un corps d’enfant, un esprit malin, retors et diabolique bien plus impliqué ?

La réponse est en partie dans cet album d’une nouvelle collection sur les tueurs en série. C’est à travers le face à face du tueur et d’un spécialiste imaginaire, Étienne Jallieu, que les auteurs déroulent le fil de l’enquête. Nous allons découvrir la route noire d’un couple maudit, de sa rencontre en 1987 jusqu’à leurs arrestations en 2003. Sur le principe du documentaire, la sombre réalité, la vérité des victimes déroule un parchemin noir de violence, d’abus sexuels, de perversions et de manipulations. Comme souvent, nous sommes frappés par l’apparence anodine, commune, de ces êtres basculant dans les ténèbres. Chevaliers du mal, ils sèment l’apocalypse et l’horreur sur leur route. Plus qu’une analyse, c’est une terrible piste de faits construite sur la réalité des dossiers. Les dessinateurs saisissent l’effroi des victimes, la peur et la mort dans une mise en page classique qui parfois éclate sur des gros plans en insert.

Le but est bien de toucher à la réalité, de décrypter la non-réalité pour mieux comprendre cette frontière que l’on franchit vers le mal. Nous nous interrogeons tous sur ce qui fait un tueur en série. Est-ce le lien social rompu, les parents, le fond de l’âme, le milieu, ce sont toutes ces questions que le portrait évoque. Dans l’histoire de Michel Fourniret, il n’existe aucun doute sur sa capacité à rester le seul, à décider du quand et du comment. C’est un esprit malin, manipulateur qu’il ne faut pas nier et se méfier. L’album ne nous révèle rien de sensationnel, pas de scoop sur un des tueurs en série français. L’intérêt vient du personnage de Monique Olivier. Il reste une question en suspens sur son implication. Le portrait que trace l’album laisse entrevoir une femme bien plus manipulatrice que supposé, jouant de l’innocence pour s’émanciper de sa part de noirceur. En un mot, la petite sotte trompée par le vilain menteur n’est peut-être pas celle que l’on croit.

Pour finir, un mot sur l’affaire Stéphane Bourgoin qui pourrait nuire à la collection. Depuis janvier, le spécialiste formé par le FBI apparaît comme un serial menteur. La biographie de l’auteur apparaît comme un tissu de mensonges. Sur les 77 serials killers, il en reste beaucoup moins. Sur les nombreux ouvrages planent des soupçons de plagiat. Dans de nombreuses interviews, Stéphane Bourgoin avoue sa part de mythomanie. Lors de l’une d’entre elles donnée à un journal célèbre, le lecteur ne sait plus ce qui relève de la vérité avouée ou du mensonge. La faute est grave, mais certains enquêteurs témoignent de son analyse juste sur certaines affaires. Nous admettrons, comme le dit au final une des interviews, que c’est une encyclopédie vivante sur le sujet. Toutes ses lectures, rares rencontres, ont forgé une connaissance sans équivalent. Il n’était peut-être pas nécessaire de rajouter le mensonge qui attire son petit copain le doute. Comme le dirait la loi, cet album repose sur les faits, rien que les faits. C’est à vous d’être le jury et de prononcer la sentence en le lisant, ou pas.

Patrick Van Langhenhoven

A lire également