La remise du Prix Livre & Droits Humains est toujours un moment particulier du Livre Sur la Place. Une façon de réitérer la puissance qui se trouve dans les livres, l’arme qu’ils constituent face aux injustices encore trop nombreuses présentes dans ce monde.

Les lauréats de cette année n’ont pas dérogé à la règle. Bien au contraire, Il a encore été question de réaffirmer que si certaines voix sont inaudibles, certaines thématiques volontairement invisibilisées ou non, les livres servent aussi à leur donner un écho plus grand, à les faire résonner plus loin.

Dans le premier livre récompensé « Vivre sous la menace, les sans-papiers et l’État » (Seuil) de Stéphane Le Courant, les personnes inaudibles sont les sans-papiers. Nous les connaissons tous. Du moins, ce terme générique nous est familier. Mais que savons-nous vraiment de leurs histoires ? Que savons-nous de la situation d’hommes et de femmes dont le rapport à l’espace public se rapporte systématiquement à celui du danger imminent, de la peur constante de l’arrestation policière ? Quelle place faisons-nous sur notre territoire à des personnes dont la présence s’avère finalement plus bénéfique à notre économie que ce que l’on se laisse dire? Autant de questions que l’on pourrait balayer en pointant du doigt les trajectoires personnelles ayant conduit à ces situations. Mais dans ce livre, c’est également la place de l’Etat français dans la gestion de ces situations et la mise en œuvre de certaines politiques publiques qui est questionnée. Comme le dit Alain Mabanckou, l’humanisme et l’altérité sont au cœur de ce livre et il est difficile de le lire sans être bouleversé.

Fort de son expérience d’anthropologue, c’est un véritable travail de recherche et de terrain que Stéphane Le Courant a mené. Mais loin de l’obscurité qui peut entourer les travaux universitaires, le récit proposé ici est accessible à tous, comme s’il fallait à la fois que nul n’en ignore et qu’en dehors des personnes déjà intéressées par le sujet, le livre s’adresse à tout le monde.

Si ce livre a été récompensé par le jury, c’est parce qu’il a su mettre des visages et des mots sur des représentations qui très souvent s’avèrent fausses. Et comme le dit Alain Mabanckou une fois de plus: «C’est un grand livre qui rappelle d’autres grands livres, notamment « Les Damnés de la terre » de Frantz Fanon.

Stéphane Le Courant a accepté de répondre à nos questions

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur ce sujet ?

SLC : Cette cause je l’ai avant tout découverte à travers mon engagement personnel et associatif à la CIMADE. Cet engagement puis mes recherches en tant qu’anthropologue ont été l’occasion d’observer le traitement qui était fait aux personnes sans-papiers.

C’est un sujet qui peut être délicat et déchaîner les passions. Comment pensiez-vous que le livre serait reçu ?

SLC : Il m’a naturellement semblé important de contribuer à inscrire cette thématique au débat publique, notamment en abordant le sujet depuis un angle différent de celui par lequel il est souvent discuté. La question que je me suis posée en écrivant ce livre a d’abord été celle de l’accessibilité à tous. Je voulais que tout le monde puisse lire

C’est votre premier prix. Comment vous sentez-vous ? Et surtout qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

SLC : Les conditions dans lesquelles je reçois ce prix sont incroyables*ndlr (Stéphane Le Courant a reçu son prix en même temps que le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, qui recevait également le même prix, avec une mention spéciale). Je ne m’y attendais pas du tout quand j’ai écrit ce livre. C’est assez surprenant. J’espère que cela permettra d’une part au livre d’être davantage diffusé, et d’autre part de remettre sur la scène ce sujet avec un nouvel éclairage.

Entretien mené par Sarah GIORIA NDENGUE

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