L’exposition se déroule le 14 mars 2024 à Nancy

Adresse : 55 rue des Ponts 54000 Nancy

Rétrospective : l’art et la philosophie de Roland Grünberg
Qu’est-ce que l’art ? Tolstoï s’en fait une haute idée, et en parle comme d’un « organe vital de
l’humanité, qui transporte dans le domaine du sentiment les conceptions de la raison ». A cette profonde
citation semble parfaitement correspondre l’art de Roland Grünberg. Graveur, auteur, peintre,
marionnettiste, cet artiste aux multiples facettes déploie dans ses nombreuses œuvres son univers riche,
complexe à appréhender parfois, où se côtoient concepts philosophiques, culture juive de l’Europe de
l’Est, Keter, divinité féminine et véritable incarnation de la beauté enracinée dans notre monde, mais
aussi des masques, des portraits de célèbres artistes de jazz comme Armstrong ou Cole, et même un petit chat mignon. Afin de décrypter cet univers doté d’épaisses couches de lecture, une exposition-
hommage dédiée à ce père fondateur du Nancy Jazz Pulsations, de la Biennale des arts de la Marionnette et Masquerades, et de la Biennale Internationale de l’Image de Nancy, au cœur du festival
mondiale du théâtre, était proposée ce jeudi 15 mars 2024 par Maresk Rogalski, professeur émérite de
l’université de Lorraine, et grand connaisseur de Roland Grünberg, au 55 rue des Ponts, siège de
l’Association Culturelle Juive à Nancy, en partenariat avec le Conseil départemental 54 et l’Institut
Goethe. Cet événement conclue la semaine de la culture yiddish 2024.
Alors, qu’en retenir ? Il n’est pas simple d’aborder l’œuvre de Grünberg. Son œuvre s’inscrit dans
une longue tradition nancéenne de la gravure à l’eau forte, qu’il n’a cessé toute sa vie durant d’enrichir et
de cultiver, s’inscrivant par-là dans la droite ligne d’importants artistes comme Jacques Callot. Le conférencier note, à juste titre, le nécessaire temps de réflexion qui accompagne la découverte de
chacun de ses gravures, tableaux ou photographies. Si la technique, la subtilité et la richesse de ses
pièces s’embrassent au premier regard, le message, les couches de textes, ne se dévoilent que par petite touche. Quelques clés semblent bienvenues, et ont été esquissées par Marek Rogalski. La pensée
de Grünberg s’inscrit ainsi dans un courant Kafkaien, où le sujet se trouve sous le joug dont il faut se libérer, mais dont la libération ne semble promettre que les pires augures. Comment s’en sortir alors ? Le
retour à la nature. Tel Gregor Samsa se métamorphosant en cafard, Grünberg grave des paysages, des
horizons, des masques qui ne sont pas rappeler une certaine culture africaine de l’ordre et de la
dissimulation. Tel Joseph K., prisonnier d’un système judiciaire obscur et pesant, Grünberg compose des
volutes, ces spirales profondes et infinies, dont le motif se retrouve dans l’œuvre de bien des artistes, de
Klimt et son « Arbre de vie » en passant par Van Gogh et « Nuit étoilée ». Son univers est ainsi nourri
d’images symboliques, qu’il emprunte à diverses cultures, à commencer par le judaïsme d’Europe de
l’Est, enrichi de ses voyages nombreux. Les démons et ténèbres y côtoient une beauté très vive,
particulièrement prégnante lorsqu’il s’agit de représenter des personnages féminins. Grünberg n’a cessé
toute sa vie durant d’expérimenter, de créer mais aussi d’apprendre. L’activité pédagogique, qui lui est
cher, se résume chez lui par un adage assez simple, mais qui en dit beaucoup : « ne pas apprendre pour
l’art, mais apprendre par l’art ». Un petit traité pédagogique, manuscrit, résume ses quelques idées, et
semble d’autant plus actuel qu’il propose de nombreuses activités et ressources pédagogiques aux enseignants.
Ainsi, malgré sa mort à Nancy en 2021, l’œuvre et la pensée de Roland Grünberg continuent de
vivre. Les différentes interventions qui ont suivi la conférence, dont celle de sa nièce, présentent
l’engagement et l’homme qu’il était, toujours souriant et prêt à échanger. Ces éléments contrastent
d’ailleurs parfois avec la conférence et ce qui semble transparaitre dans son œuvre. Se plonger dans son œuvre risque de surprendre, de dérouter, de ne pas laisser indemne, mais elle permet de penser, de
réfléchir sur soi et sur le monde, avec un point de vue autrement riche et complexe, qui laisse une large
place à l’interprétation. Ses gravures d’illustrations pour le Dune de Frank Herbert, dans la collection
« les chefs d’œuvre de la science-fiction » constituent une introduction abordable à cet univers riche,
entre lumière et ténèbres, où se côtoie l’artiste et le philosophe.
Quelques publications de Roland Grünberg :
Gravure à l’eau-forte de 48 cuivres pour les “Descriptions Secrètes” de R.-G. LEUCK (préface de Jean
COCTEAU) ; Presses du Temps Présent, Paris, 1960-1961.
“Karthago”, de Jacqueline OSTERRATH, Ed. LUNATIC, 1973.
“Dune” et “Le Messie de Dune” (Frank HERBERT) ; 10 gravures; collection “Les chefs d’œuvre de la Science-Fiction”, 1975.
“La Lorraine des Sortilèges” (Cl. ELGHOZI) ; 51 gravures ; Editions Pierron, 1980.
“Nuit et Voyage” (Michel Jeury) ; Editions SNAKE, 1980.

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