Un film de :
Na Hong-Jin (The Chaser – The Murderer)
Avec :
Kwak Do-Won (The Shameless – The Murderer)
Hwang Jeong-Min (The Unjust – New World)
Chun Woo-Hee (Mother – A Cappella)
Jun Kunimura (Kill Bill : Volume 1 – Saya Zamuraï)
Durée : 2h36
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Au cinéma le 6 juillet 2016
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[dropcap style= »normal or inverse or boxed »]A[/dropcap]yant gagné ses lettres de noblesses avec les très bons The Chaser puis The Murderer, le réalisateur Na Hong-Jin insuffle un vent nouveau dans le désormais incontournable cinéma coréen. Accoutumé des films policiers à la violence exacerbée et à l’agitation des villes, The Strangers (Goksung), change de registre et s’amuse à brouiller les pistes entre raison et déraison. On se surprend même à rire. En effet, l’humour savamment distillé vient contrebalancer l’intensité dramatique de ce thriller fantastique et l’ancre dans une réalité de chaque instant. On rit pour se rassurer, rejetant toute idée d’irrationalité. Entremêlant les genres cinématographiques, The Strangers nous envoûte peu à peu et nous fait perdre le sens du réel. On oublierait presque qu’il s’agit avant tout d’un film noir parfaitement maîtrisé, signature de Na Hong-Jin.
Goksung (le titre original), est le nom d’un petit village de montagne. Il signifie « le chant des pleurs ». Des Chrétiens y sont venus porter la parole de Dieu il y a une centaine d’années. Martyrisés, cet endroit est devenu une terre sacrée. C’est ici, au confluent des religions, que le réalisateur choisi de tourner son film. Etudiant la question des superstitions et des croyances coréennes locales, nourrie des préceptes bibliques, bouddhiques et chamaniques, l’écriture du scénario dura presque trois ans. S’ensuivent six mois de tournage et un an pour la postproduction. Autant dire que rien n’a été laissé au hasard. Le résultat est là, une photo impeccable avec une lumière et des décors naturels admirables. Une météo à l’atmosphère lourde, en adéquation avec le mysticisme du film.
Le point de départ de The Strangers est cette série de meurtres. Brutaux, atroces, sans fondement, animés d’une folie sans nom, ils enveniment peu à peu toute la région. Rumeurs et superstitions alimentent les discussions. D’autant plus que le vieil ermite, étranger de surcroît, qui vit dans la forêt est le bouc émissaire parfait. Entre explications rationnelles pour les uns, présence maléfique pour les autres, Jong-Gu, le policier en charge de l’affaire, se retrouvera précipité au cœur des ténèbres.
« Quand on va pêcher, sait-on ce qu’on va attraper ? Lui se contente de pêcher, sans savoir ce qu’il va attraper. Ne cédez jamais à la tentation ! »
En Corée, pas mal de personnes me voient comme le Diable incarné, un réalisateur maléfique ! Ça me va. (Na Hong-Jin)
Julien Joanny