Genre: Drame

Pays: Angleterre

Durée: 1h56
Réalisateur : Martin McDonagh

Acteurs: Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell

Une petite ville ordinaire, Ebbing dans le Missouri. C’est ici que la fille de Mildred a achevé sa course sept mois plutôt. Cette mère éplorée compte bien sur la justice pour arrêter les assassins. Pour l’instant, le chef de la police, Bill Willoughby, semble abandonner toutes les pistes pour attendre un miracle peut-être. Il reste ces trois panneaux à l’entrée de la ville que Mildred loue pour une publicité particulière. Ils rappelleront à chacun qu’une mère attend une réponse et espère que la police fasse son travail, au lieu de s’occuper ailleurs. Mildred n’espérait pas que cette mèche allumée embraserait toute la ville. Chacun prend parti pour l’un ou l’autre, la petite ville tranquille devient un brasier. L’un des adjoints, Jason Dixon, habité par la violence, finit par dépasser les bornes. Ce flic raciste se laisse conduire par la haine et son admiration envers son chef. Il n’y a toujours pas de coupable à l’horizon mais la tempête est levée et emporte tout sur son passage. Chacun dépasse les limites sans savoir où tout cela s’achèvera.

Trois panneaux réclamant plus que la vengeance, le droit à la justice, finissent par dévoiler l’âme profonde d’une ville. Avec ce troisième film, Martin McDonagh, dramaturge irlandais, signe un regard juste sur l’Amérique profonde à l’image de Délivrance de John Boorman. Après Bon baisers de Bruges, où deux tueurs déraillent autour des canaux, 7 psychopathes, une réflexion sur le cinéma, 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance continue d’examiner le cœur de l’humanité. Ce n’est rien d’autre que nos haines, nos idées reçues, nos envies de vengeance, de justice, s’affrontant pour nous soulager. Martin McDonagh nous surprend dans chaque séquence. Il nous entraine sur des territoires obscurs où le rire n’est pas absent. Humour noir, ironie du monde et incapacité à donner des réponses composent cette symphonie noire. C’est d’abord une galerie de personnages évoluant, changeant au gré du récit tout en nuance. Autour de Mildred, admirable Frances McDormand en mère réclamant justice avec ses trois panneaux irrévérencieux, personne ne reste intact, ni ses meilleures amies, son ex-mari ni son fils Robbie. Ils paieront tous le prix d’une mort qui oublie les vivants. Le chef de la police, Bill Willoughby, ne peut pas apporter plus de réponses à la douleur. Il doit faire avec la sienne. Comme il le dit à Mildred, « nous avons tout fait ». Il existe un moment où les crimes n’ont pas de réponse. Un jour, au hasard, nous découvrirons le coupable. Il relance pourtant l’enquête. L’officier Jason Dixon voue une admiration sans bornes à son chef et accepte mal sa remise en cause. Il déborde du cadre, se retrouve mis à pied mais continue pour l’honneur de fouiller les pistes abandonnées ou nouvelles. Trois lettres et un mort finiront par donner du sens à cette quête de l’impossible au cœur de la nuit. Ce qui compte, ce n’est pas le point de départ ou d’arrivée, mais la route que chacun parcourt. Elle change l’individu en profondeur et l’oblige à regarder la noirceur et la beauté de son âme. C’est en cela que 3 Billboards, les panneaux de la vengeance est un film exceptionnel. Il touche à ce que nous avons de plus humain et de plus sombre en nous. La mise en scène est complexe, les dialogues prennent tout leur sens. Chaque mot se mesure à l’aune du tout. Nous sentons le dramaturge dans l’ombre du grand William Shakespeare, n’oubliant pas, comme lui, le rire comme arme ironique. Déstabilisant le spectateur, le film mélange avec habileté l’humour noir et la tragédie poussée dans ses recoins les plus sombres. Martin McDonagh n’oublie pas que c’est aussi un récit en images, jouant de la lumière et du cadre dans la grande tradition des réalisateurs comme Sam Peckinpah, Orson Welles, les frères Cohen. En trois films, Martin McDonagh s’est construit un univers personnel et particulier marqué par toutes ces influences et d’autres citées plus haut. Enfin, nous pensons à la littérature irlandaise. Nous retrouvons la même impression que lors de notre rencontre avec Donal Ryan pour Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe. 3 Billboards, les panneaux de la vengeance est une œuvre d’auteur qui s’inscrira comme Délivrance dans le regard porté sur l’Amérique profonde. Nous finirons avec une petite anecdote, le réalisateur livrait lors d’une interview à Positif qu’une partie du film de Boorman fut tournée à Ebbing. Quand à la fameuse vengeance, chacun aura sa petite idée, celle de l’auteur se trouve entre les lignes, derrière les mots. Pour notre part, le sujet s’appuie plus sur la capacité à évoluer et changer, comme la vie tout simplement.

Patrick Van Langhenhoven jounaliste

 

 

Fiche technique

Titre original : Three Billboards Outside Ebbing, Missouri
Titre français : Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance
Titre québécois : Trois Affiches Tout Près d’Ebbing, Missouri
Réalisation et scénario : Martin McDonagh
Direction artistique : Jesse Rosenthal
Décors : Merissa Lombardo
Costumes : Melissa Toth
Photographie : Ben Davis
Montage : Jon Gregory
Musique : Carter Burwell
Production : Graham Broadbent, Peter Czernin et Martin McDonagh
Société de production : Blueprint Pictures et Film4 Productions
Sociétés de distribution : Fox Searchlight Pictures (États-Unis), Twentieth Century Fox France (France)
Pays d’origine : Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni, Drapeau des États-Unis États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur − 35 mm − 2,35:1 − son Dolby Digital
Genre : comédie dramatique policière
Durée : 115 minutes
Dates de sortie : 17 janvier 2018

Distribution
Frances McDormand : Mildred Hayes
Woody Harrelson (VF : Jérôme Pauwels) : le shérif Bill Willoughby
Sam Rockwell (VF : Damien Boisseau) : l’officier Jason Dixon
John Hawkes : Charlie Hayes
Peter Dinklage (VF : Constantin Pappas) : James
Lucas Hedges : Robbie Hayes
Abbie Cornish : Anne Willoughby
Samara Weaving : Penelope
Caleb Landry Jones : Red Welby
Clarke Peters (VF : Thierry Desroses) : Abercrombie
Darrell Britt-Gibson : Jerome
Kathryn Newton : Angela Hayes
Kerry Condon : Pamela
Željko Ivanek : Cedric Connolly
Amanda Warren (VF : Déborah Claude) : Denise Watson
Nick Searcy : Père Montgomery
Sandy Martin : Mama Dixon
Malaya Rivera-Drew : Gabriella Forrester

Distinctions

Mostra de Venise 2017 : Prix Orsella pour le meilleur scénario
Festival international du film de Toronto 2017 : Prix du public
Festival international du film de La Roche-sur-Yon 2017 : Prix du public
Golden Globes 2018 : meilleur film dramatique, meilleure actrice dans un film dramatique pour Frances McDormand, meilleur acteur dans un second rôle pour Sam Rockwell, meilleur scénario

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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