Les reines de sang : Roxelane, La joyeuse


Scénariste
 : Virginie Greiner

Dessinateur : Olivier Roman  Coloriste : Filippo Rizzu

Edition : Delcourt
Date de sortie : 26/02/2020

Nous sommes en 1520 au cœur du Harem de Soliman le magnifique. On s’active pour la venue de la favorite,Gulbahar. Elle s’apprête à rendre hommage à une autre femme influente, la mère du Sultan, lumière d’Allah. Son fils,Mustafa, sera le prochain maitre de l’empire. Dans l’ombre du sérail, une jeune fille, nouvelle venue, attend son heure. Elle pourrait bien bouleverser l’ordre établi. Roxelane est surnommée La Joyeuse pour son tempérament enjoué. Cette jeune esclave ukrainienne comprend très vite les rouages du palais et comment échapper à sa condition. Elle doit d’abord sortir de l’ombre pour se faire remarquer. Déjà fine stratège,elle joue la carte de l’impertinence pour gravir les marches du palais. La tactique semble porter ses fruits, la voilà formée pour accéder aux appartements du Sultan. Elle apprend les règles de bienséance tout en se cultivant grâce à la bibliothèque du Sultan. Elle doit faire face aux jalousies et complots que ne manque pas de jeter sur sa route la favorite. C’est le début de cette ascension que nous conte ce premier tome.
Les séries se déclinent comme autant de saisons, avec plus ou moins de bonheur. Ces projets variés nous entrainent dans l’exploration d’autres univers, l’apprentissage de nouvelles connaissances. Ainsi défilent sur les étals de vos libraires, les tueurs en série surfant sur la mode, l’Ouest sauvage, des uchronies comme Le jour J, elfes, mages, nains, reines de sang… Le lecteur avide trouve son bonheur dans cette multitude, de saison en saison, entre inspiration, commandes et modes. L’auteur oscille entre se réapproprier une thématique pour la faire sienne, remplir le contrat ou cache tonnerre  dans le pire des cas. La collection Reines de Sangs’inscrit dans ce paysage, jouant du regard d’auteur comme Aliénor la légende noire d’Arnaud Delalande. Elle est parfois plus classique, dans la veine du documentaire, comme Roxelane. C’est dans le bon sens que la collection revisite les figures emblématiques de ces reines de sang laissant une trace profonde. Elle change le regard sur une histoire autrefois souvent  machiste. Aujourd’hui et bien avant le phénomène MeToo, la place de la femme reste à revoir. Le vieux dicton populaire avait raison : derrière un roi se dissimule souvent l’ombre d’une femme. Roxelane s’inscrit dans la longue liste de ces figures à revoir comme Cléopâtre, Tsu Hi, Constance. Elle trouve sa place dans une société faisant peu de cas des demoiselles. Du harem au sommet de l’Etat, Roxelane trace un sillon de compromis, de complots, le tout avec le sourire. La Joyeuse, comme la surnomme l’Histoire, s’empare de son destin, comprenant très vite comment échapper à l’anonymat. Virginie Greiner puise aux sources de l’Histoire pour un premier volume clair et précis sur son ascension. Elle nous entraine dans les secrets du Harem et ses jeux de pouvoir. Nous découvrons avec plaisir, loin de la légende, la réalité de ce lieu clos. Le dessin d’Olivier Roman s’empare des décors et des corps pour composer une petite mélodie à la gloire de la femme. Le trait et les couleurs s’envolent, se noyant dans les plis des vêtements et les courbes de la nudité. Le cadre large prend l’espace pour témoin de son histoire. C’est un premier album plus dans la veine du documentaire que de la fiction qui nous emporte au cœur d’un lieu marqué par l’imaginaire des Occidentaux, qui se dévoile tout autre et bien plus complexe.

Patrick Van Langhenhoven

A lire également